Dimanche 4 mars 2018.
Prachuap Khiri Khan
- Ayutthaya (train) Réveillé à trois heures
et quart, je vais à la gare à quatre heures comme convenu avec le
personnel de la gare de façon à avoir le temps d’enregistrer mon vélo.
Bon sang ! je vais avoir le temps, car mon train qui devait partir à
quatre heures quarante est annoncé avec plus d’une heure de retard. Les
passagers qui attendaient pour partir, à l'annonce de cette nouvelle ne
manifestent pas la moindre contrariété : ils rentrent chez eux pour
attendre tranquillement ou pour partir un autre jour ! Moi, j’attends.
J’ai sommeil, je m’ennuie un peu, car il n’y a personne, et je trouve le
temps long ! Le train arrive à six heures. Je suis en seconde classe,
sur un siège confortable, dans un wagon tout en bois, et j’ai presque
froid, car toutes les fenêtres sont ouvertes. Il ne fait que vingt-sept
degrés ! Le lever du soleil est superbe sur les reliefs
karstiques que
j’ai découverts l’autre jour, et sur un ciel aux nuages d’un camaïeu de
rose orange. Je somnole un peu. Le train vient du sud, et il y a une
large majorité de musulmans : pas difficile à deviner, car toutes les
femmes sont entortillées dans des voiles, des draps ou des couvertures
et elles portent un foulard bien serré autour du visage. Je suis à côté
d’un jeune homme sympathique qui somnole lui aussi. Soudain que vois-je
dans la travée opposée ? Un passager qui a posé un sabre en travers de
ses genoux ! Un grand sabre de parade à la poignée d’argent et d’ivoire.
Comment a-t-il pu monter dans le train avec une telle arme ? Je vois son
faciès : un visage simiesque avec un front fuyant, de grosses narines et
un menton en galoche. Il est vêtu d’une parka élimée et chaussé de
chaussures qui n’ont jamais vu le cirage. Il regarde autour de lui avec
un air bovin. Je n’arrive plus à somnoler, car je le surveille
discrètement. Mon voisin entame la conversation, nous regardons des
photos sur ma tablette, et quand je le connais un peu mieux, je lui
demande si c’est normal que notre voisin voyage avec un grand
coupe-jarret. Il me répond que oui, car c’est un policier. Je suis
presque soulagé, mais je lui fais remarquer qu’avec un sabre, il aurait
du mal à calmer un éventuel terroriste. Il me dit tout doucement que lui
aussi, il est policier. Ah bon ! Voilà qui est rassurant, car j’avais
justement remarqué que dans la poche de son pantalon il y avait une
grosse bosse ! Alors, j’en déduis que l’homme des cavernes avec son air
de primate dégénéré, ce doit être une « chèvre ». En cas d’attaque de
quelque islamiste, c’est sur lui que le terroriste va se jeter, et mon
voisin, avec son 7,65 il transformera l’agresseur en passoire. Bien vu !
Quand je descends du
train, à Bangsue, dans la banlieue de Bangkok j’achète un billet pour
Ayutthaya, j’enregistre mon vélo, et il me faut attendre de onze heures
à une heure vingt. Plus de deux heures dans une gare où il n’y a pas de
salle d’attente ventilée, il n’y a que des bancs sous un préau. Il fait
34°! Avec la fatigue en plus, je me sens bouillir de l’intérieur, rôtir
au niveau de la couenne ! Je trouve une solution : le métro a une
station juste devant la gare, il est climatisé… Hé bien je pars me
promener en métro pendant huit stations, pour un prix dérisoire grâce à
la réduction « aînés ». Une heure dans un endroit frais me permet de me
ressourcer.
Dans le train, pendant
plus d’une heure, jusqu’à Ayutthaya, je cause avec un vieux moine. Ce
sont toujours les mêmes questions : d’où je viens, si je suis marié à
une Thaïe, si nous avons des enfants, quel âge j’ai… Voyant que je peux
m’exprimer en thaï, les voisins commencent eux aussi à poser des
questions, et c’est là que le moine me rend un précieux service car,
comme il sait tout de moi, c’est lui qui répond à ma place ! Il est
vêtu, bien sûr, de son ample robe orange, et a pour tout bagage, une
musette de toile jaune. Il descend du train avant d’arriver à Ayutthaya,
et en me quittant, il me serre la main, ce qui peut paraître incongru
ici en Thaïlande.
En sortant de la gare,
je longe le fleuve jusqu’au « talat huaro » (marché Huaro), et je
vais directement à l’hôtel « Ayuthaya Thanni ». Il est quinze
heures et je ne sors qu’à vingt heures pour aller sur la place pour
manger mon énorme poisson frit à l’ail et au poivre en regardant glisser
le fleuve vers des zones ténébreuses. Parfois, la lueur furtive d’une
lampe ou un imperceptible reflet dans l’eau signale la présence d’un
riverain se déplaçant sans bruit avec une petite barque. Non loin de
moi, le cuisinier s’active devant son réchaud à gaz, et il met
régulièrement le feu à son wok. Heureusement que nous sommes en plein
air, car une énorme flamme jaune monte à trois mètres de hauteur,
illuminant tout le secteur. Je me demande si mon poisson il ne le fait
pas frire au napalm !
Lundi 5 mars 2018.
Ayutthaya – Surin (train)
À sept heures trente, je
vais jusqu’à la gare avec mon VTT. À huit heures, c’est le moment de
l’hymne national : tout le monde s’immobilise, se lève, et reste figé,
les bras le long du corps.
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Plus on va vers l'est, plus les
rizières sont desséchées... |
Dans le train, il fait
une chaleur difficile à supporter dès qu’on s’arrête. Par les fenêtres
ouvertes, un air chaud, lourd, poisseux semble coller à la peau. Les
vendeurs de boissons fraîches vont et viennent et le commerce semble
florissant ! Il y a aussi celles qui vendent du poulet rôti, des
brochettes, des omelettes sur du riz, des fruits, des cacahuètes, des
serviettes glacées, des nouilles au porc… Dans les trains, on n’arrête
pas de boire et de manger. Il y aussi un wagon restaurant au cas où on
voudrait le confort d’une table et d’un siège. Soudain, le train
ralentit, grince une dernière fois, et c’est le silence. Nous sommes en
rase campagne, à quelques kilomètres de Korat. Les ventilateurs du
plafond ne brassent pas suffisamment d’air pour nous rafraîchir : je
suis en train de me laisser rissoler comme un vulgaire navet ! Les
passagers, eux, ils prennent tout ce qui leur tombe sous la main pour
s’en servir d’éventail. La situation perdure : nous restons ainsi à
l’arrêt près d’une heure. Ici, la locomotive ne va jamais à un train
d’enfer. Le « train d’enfer », c’est dans les wagons quand ils
s’arrêtent ! Des hommes sont descendus, et les voilà à côté du ballast,
assis à l’ombre de quelques arbustes en train de fumer et de bavarder
avec bonne humeur ; dans le wagon, les gens rient, s’esclaffent,
racontent des histoires dont le sujet n’est jamais la panne qui nous
immobilise. La même situation en France n’est même pas envisageable. À
l’inconfort de la situation viendraient s’ajouter les désagréments de
l’agressivité et de la mauvaise humeur des passagers ! Thaïlandais,
Thaïlandaises, je vous adore ! Laissez-moi m’imprégner de votre sagesse
et de votre philosophie et les moments de stress ne seront plus que de
mauvais souvenirs ! Quand le train repart, personne ne manifeste sa
satisfaction… c’est comme si on s’était arrêté quelques minutes de plus
dans une gare, c’est tout !
Je finis par arriver à
Surin avec une heure dix de retard, mais je suis arrivé, et c’est bien
là le principal ! Je n’avais pas pris le train pour arriver à quinze
heures, j’avais pris le train pour arriver à Surin : mission accomplie !
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Derniers
instants avec les dragons de Thaïlande à l'aéroport de
Bangkok... |
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