Dernière modification: 01/05/2014

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Mardi 11 février 2014.

Savannakhet -Dong Ha (Vietnam).

Le fond de l'air est frais ce matin à sept heures trente quand je pars à la gare routière en touk-touk. Je prends mon billet pour Dong Ha. Nous sommes six touristes, dont quatre Français. Le car démarre à neuf heures précises. La dernière fois que j'ai fait ce trajet, j'avais attendu toute la journée un camion, car il n'y avait pas de bus sur cette route toute défoncée, et le camion n'est arrivé que le lendemain vers huit heures. Mais c'était il y a plus de vingt ans, et les choses ont changé. Alors, quand je regrette « le temps d'avant », il faut se consoler en se disant que ce n'était pas toujours mieux !

Le décor est monotone : des tas d'ordures bordant la route, des poches en plastique qui ont volé jusque dans les rizières desséchées. Les cabanes sur pilotis font de plus en plus place à de riantes petites villas qui envahissent de plus en plus les campagnes. Les couleurs de ces maisonnettes sont surprenantes, avec leurs couleurs vives : violet, vert pomme, bleu turquoise, orange... Je remarque que toutes sont bâties suivant des plans pratiquement identiques. Elles ressemblent étrangement à notre maison de Surin, avec une petite terrasse couverte sur le devant. Je pense que c'est comme en Thaïlande, ceux qui construisent les maisons ne déplient jamais un plan sur la table : ils ont tout dans la tête. Ce qui est curieux, c'est que de nombreuses maisons sont à deux étages et qu'il n'y a jamais d'escalier extérieur. Il faut passer par le rez-de-chaussée pour avoir accès à l'étage. Cela laisse supposer qu'une maison n'est jamais prévue pour deux familles différentes, et qu'on ne loue pas un étage.

Le car arrive à la frontière laotienne. Il faut payer deux euros pour une taxe imaginaire officialisée par un panneau à l'extérieur. C'est ainsi aux frontières. D'habitude on paye un euro après dix-sept heures ou bien durant le week-end. À la frontière du Vietnam, l'employé fait du zèle et écrit tout un tas de choses sur l'ordinateur pour chaque passager. Je me demande bien quoi, et il scanne le passeport à plusieurs reprises. S'ils font comme ça le jour où deux Airbus 780 arrivent, les passagers peuvent à se préparer à dormir dans l'aéroport ! On passe au Vietnam. Comme au Laos, on roule à droite, mais ce n'est pas obligatoire. Alors, la circulation anarchique ne fait stresser que le passager occidental. Le chauffeur, lui, il joue du Klaxon, accélère et se fraye un passage parmi les motos, les piétons, les animaux. Il est à l'aise, il est chez lui. On passe à Kee Shan. Je ne reconnais plus le village où je m'étais arrêté il y a douze ans. D'imposants immeubles ont surgi de la terre rouge, la petite bourgade est devenue une grande ville ! La brume commence à nimber les cimes des montagnes verdoyantes. Les rizières sont vertes, le ciel gris... La bruine commence à tomber en traînées blanches sur les lointains. Plus nous nous approchons de Dong Ha, plus le ciel est noir. Le chauffeur sait bien que des passagers descendent à Don Ha, mais il ne s'arrête pas. Il prend la nationale N1 en direction de Hué. Heureusement que des Vietnamiens devant descendre crient et se manifestent. Il finit pas s'arrêter à la sortie de la ville, à deux kilomètres de mon hôtel devant lequel nous venons de passer. Quelle est la stratégie du chauffeur ? Nous déranger ? Favoriser un ami possédant une voiture et « disposé » à nous ramener vers le centre ? Qui peut savoir ? Me voilà donc dans la grisaille d'une triste fin d'après-midi au bord d'une route à quatre voies séparées par une murette, avec huit Vietnamiens qui ont tout l'air de paysans ou de trafiquants. Ils ont posé leurs six poulets bien ligotés sur le trottoir et ils attendent je ne sais quoi. Il ne pleut pas, et pourtant, je me sens de plus en plus mouillé. Ici, c'est l'air qui mouille ! Tout est détrempé, sale, boueux, il fait froid, la circulation est intense : des cars couverts de boue rouge doublent des camions noirs et sales en hurlant, Klaxon bloqué, des motos chargées de cartons ou d'énormes paniers se faufilent dans ce malstrom, et moi, je commence à voir mon moral décliner, car je n'ai aucune envie de rester longtemps ici. Je vais dans une villa voisine, car j'ai vu une fourgonnette dans la cour. Dès que je m'approche, un homme d'une quarantaine d'années, le visage patibulaire, les mains maculées de cambouis, me propose de me ramener à Dong Ha pour une somme d'argent que je ne comprends pas, car il agite un billet que je ne connais pas sous mon nez. Je ne sais pas le cours du dong. Alors, comme je n'ai pas de petits billets en monnaie américaine, je lui montre un billet de dix dollars et je lui en propose la moitié. Il crie, s'agite, on dirait qu'il va me taper dessus : il veut dix dollars. Je ne me laisse pas impressionner, je fais mine de partir à pied. Alors, il vient vers moi, toujours en criant des mots que je ne comprends pas, et il me donne 100.000 dongs, ce qui correspond à peu près à cinq dollars. Je charge mon sac à l'arrière de la fourgonnette et je monte à l'avant. Il démarre à contre-sens, et sur le trottoir, sur une cinquantaine de mètres jusqu'au groupe d'éleveurs de poulets qui attendent toujours. Des cris, des visages tendus, on croirait qu'ils se disputent... Ils expliquent tout simplement où ils veulent aller. Ils montent tous dans le fourgon, même les poulets qui sont les seuls à ne pas crier. Nous sommes dix et tout le monde hurle car en plus, la camionnette n'a pas de pot d'échappement. On croirait qu'ils vont se battre ! Ils vocifèrent, faut s'y faire, mais il me tarde de sortir de cet enfer. Quand ils descendent et que nous repartons, on n'entend plus que le bruit de ferraille du véhicule. Le chauffeur, un peu abruti selon moi, conduit à toute vitesse tout en téléphonant. J'ai peur pour les motocyclistes qu'il frôle, j'ai peur que le camion qui nous précède ne freine brusquement, et quand nous arrivons à Thuy Dien G.H, je me sens soulagé. Le patron de l'hôtel m'annonce le prix de neuf dollars et veut me changer de l'argent en criant. Les gens ne peuvent pas parler calmement. Ma chambre est petite, mais propre, avec une jolie salle de bains, un climatiseur et une télé qui ne vont pas me servir à grand-chose  !

Je sors dans la rue, juste pour me promener... De la boue collante, des trottoirs glissants, les caniveaux qui débordent de flaques luisantes dans lesquelles se reflètent les enseignes lumineuses prometteuses de petites boutiques vendant toutes la même chose ou de nombreux hôtels bordant la rue. La ville est récente, car Dong Ha a été rasée par les américains durant la guerre : elle se trouvait près de la DMZ (la zone "démilitarisée"). Nous sommes près du 17° parallèle. C'est ici que se trouvait la frontière entre les deux Vietnam ennemis : le Nord et le Sud. Je vais pour acheter un petit paquet de biscuits dans une petite épicerie. La marchande veut me vendre une grande boîte. Je lui fais signe ( car elle ne parle que vietnamien ) que c'est trop grand, alors elle m'en propose une autre, aussi grande, mais au chocolat... très bons et ainsi de suite, jusqu'au moment où elle comprend que je vais partir. Alors, elle me sort un petit paquet de biscuit comme je demandais au début. Elle a tenté de me vendre ses grandes boîtes ! C'est cela le commerce au Vietnam. On essaye de faire au mieux. Et rien à voir avec le côté apathique des Laotiens !

Je vais manger des nems dans un petit restaurant à côté de l'hôtel. Ils sont un peu secs, avec beaucoup de viande hachée, très croustillants, bien frits... La bière est délicieuse. Dehors une humidité glacée trempe tout et me fait frissonner. Je vais me coucher à neuf heures, un peu dépité ; j'aurais presque envie de faire demi-tour demain et de revenir vers des pays plus secs plus chauds et plus calmes !

 

Mercredi 12 février 2014.

Dong Ha - Hanoi. (Vietnam)

J'ai bien dormi, mais je n'ai pas retrouvé le moral. Je vois par la fenêtre une grisaille qui laisse prévoir une journée hivernale. Quand je sors dans la rue, j'en ai la confirmation : la rue est toujours aussi mouillée, et les trottoirs aussi boueux. Les voitures sont sales, les cars couverts de boue, les gens ne sourient pas et ils sont vêtus comme en hiver. Je repère un hôtel trois étoiles. Peut-être qu'on pourra me donner des renseignements, car à ma Guest-House, à part faire payer et changer de l'argent à un taux peu intéressant, leur anglais est limité. J'entre donc dans le hall de l'hôtel, une pièce immense au carrelage miroitant une constellation de spots fixés au plafond. Le luxe à deux pas de la gadoue ! Au fond du hall, à la réception, une jolie fille avec son plus beau sourire : « Hello ! Can I help you ? » ( Bonjour, puis-je vous aider ? ) Me voilà sauvé ! Je voudrais un plan de la ville, elle ne comprend pas, le mot « map » ne faisant pas partie de son vocabulaire. Je demande où se trouve « Tam's cafe », elle ne comprend pas davantage. Quand je lui fais comprendre que je voudrais changer, elle ne voit pas de quoi je parle, mais dès que je lui montre un billet de cent dollars, alors là son regard s'éclaire, son beau sourire revient et finalement, elle réussit, avec un anglais très rudimentaire à m'indiquer la banque qui se trouve juste en face, de l'autre côté de l'avenue. Je sors de la banque avec 2.108.000 dongs. Je vais pouvoir faire la fête ! Je prends un taxi pour me rendre à la gare : 30.000 dongs, j'achète le billet de train pour Hanoi, en couchette molle bien que ce ne soit guère mieux que les couchettes dures, et je paye 636.000 dongs ! Je vais boire un café : 10.000 dongs... Tout bien réfléchi, je pense qu'avec ce que m'a donné la banque, je ne vais pas avoir les moyens de « mener grande vie »... Je veux me rendre au « Tam's cafe ». Je monte dans un taxi dont le chauffeur se dispute avec le gars qui lui a trouvé le client ( moi ). Il lui passe un savon magistral. Heureusement, je n'en suis pas la cause. C'est bizarre comme les gens sont agressifs, dans leur façon de parler, dans leurs rapports avec les autres... Où sont la placidité laotienne et le sourire thaïlandais ? Il me tarde de partir d'ici. On a du mal à trouver le « Tam's cafe » car il a changé d'adresse. Chez Tam, je mange des nems délicieux, pas du tout les mêmes qu'hier, mais j'ai un peu de mal à les digérer. J'y reste durant plus de quatre heures à attendre l'heure de mon train. Quand je reviens à la gare, il n'y a presque personne, juste quelques voyageurs accroupis devant l'entrée ou assis sur leur sac. Aucun client dans les petits cafés autour de la cour. Je reviens au café où j'avais laissé mon sac. Il est bien gardé : la serveuse a installé un lit de camp juste devant, et elle se repose, emmitouflée sous une couverture.

Le train n'a que vingt minutes de retard, nous partons à 16 h 10. Le quai de la gare est sinistre : d'un côté une rame de wagons de marchandises à moitié rongés par la rouille, de l'autre le bâtiment bleu de la gare. Peu de gens sur le quai, et tous sont vêtus de manteaux sombres et ont des mines de malheureux. C'est si triste que je me croirais presque en France !

J'ai la place du bas dans une cabine de quatre couchettes. En réalité nous sommes cinq, car un couple d'une cinquantaine d'années va se contorsionner toute la nuit pour occuper ensemble une couchette que je trouve presque trop étroite pour moi seul. Les Asiatiques ont la faculté de se ratatiner. Je reste dans le couloir, sur une petite chaise en plastique à regarder le paysage. Nous traversons ce qui fut la Zone démilitarisée du 17° parallèle durant la guerre du Vietnam. Je me souviens que, lors de mon précédent passage, il y a vingt ans, j'avais remarqué que l'herbe ne parvenait pas à y pousser, tant la terre était imbibée de Dioxine. La zone ressemblait à un désert, écrasé par le soleil de juillet. Aujourd'hui, non seulement l'herbe a repoussé, mais on y cultive du riz, des légumes et des arbres fruitiers... Je n'aimerais pas manger de ces produits tous les jours ! Il faut dire que le taux de malformations de nouveau-nés bat tous les records dans la région. Comme si les paysans ne voulaient pas avoir tout perdu dans la bataille, ils ont utilisé les plus grands trous de bombes comme mares à buffles ou comme étangs au milieu des rizières. Je quitte le couloir et vais me coucher à vingt heures. Je lis quelques instants, puis je dors comme un loir jusqu'à trois heures du matin.

 

     

 

Jeudi 13 février 2014.

Hanoi - Bac Ha.

Arrivé à la gare de Hanoi à cinq heures et assailli par une nuée de chauffeurs de taxi, ce n'est pas l'idéal. J'ai beau avoir bien dormi... Je viens de passer douze heures dans le train. Je me réfugie dans la salle d'attente où les chauffeurs de taxi ne me laissent pas davantage en paix. Je mange quelques biscuits restant au fond de mon sac. J'aimerais boire un café bien chaud, mais je ne me sens pas le courage de traîner mon sac jusqu'à la cafétéria. Il est 5 h 50 quand je me préoccupe de savoir à quelle heure part le train pour Lao Cai. Il part à 6 h 10. Heureusement, la vente des billets se fait dans la salle d'attente ; j'ai juste le temps d'aller jusqu'au quai N°5, de m'installer, et le train démarre. J'ai pris une place « assis dur », alors les banquettes sont en bois. Aucune importance, car je me promène sans arrêt. Si j'ai pris la place « assis dur », ce n'est pas seulement par économie, car la différence n'est pas énorme, mais c'est parce que je veux pouvoir ouvrir les fenêtres pour prendre des photos. Toutes les fenêtres sont équipées d'une vitre coulissante, d'un store métallique et d'un grillage que l'on peut également relever. Pourquoi un grillage ? Tout simplement parce que les gamins s'amusent à lancer des pierres sur le train, et ils marquent des points quand le caillou pénètre dans la voiture. On n'en finit pas de sortir de Hanoi. Même à cette heure matinale, les rues sont animées. Je suppose qu'à quatre heures de l'après-midi, la circulation doit être affolante ! Le paysage est un peu triste à cause de la grisaille, mais je ne m'ennuie pas : rizières verdoyantes au milieu desquelles des tombes chinoises semblent posées par erreur. Les cimetières chinois ressemblent à des villages, et les tombes sont disséminées dans les endroits les plus invraisemblables. Le train est plus cher que le car, il est d'une lenteur désespérante, mais j'aime mieux, car je peux me promener, changer de place, photographier, filmer... Nous traversons une plaine verte, liquide, un miroir de rizières au milieu duquel de gros villages ont poussé avec leurs maisons hautes comme des tours.

 

             
Entre Hanoi et la frontière chinoise le train longe le fleuve rouge.

 

              

 

Le contrôleur ne parle que le vietnamien, et pourtant, il me conseille de descendre du train à Phu Lu et de prendre un bus jusqu'à Lao Cai. Cela devrait me faire gagner environ trois heures. Le train arrive à la petite gare de Phu Lu, et je suis aussitôt encerclé par les chauffeurs de motos ou de taxis, et dès que je dis que je vais à Bac Ha, le chauffeur du car arrive, s'empare de mon sac, le fourre dans le coffre d'un vieux minibus qui démarre aussitôt. La route est toute défoncée avec des ornières énormes. On saute sur le siège comme des pantins de chiffon. Sur la route, les motos nous doublent en faisant du slalom entre les trous, essayant de ne rouler que sur ce qui reste de goudron. On charge n'importe quoi sur ces motos : j'en ai vu une avec un énorme cochon prisonnier dans une nasse de rotin, une autre avec une moto attachée en travers du porte-bagages, certaines sont chargées d'une pile de cartons dépassant en hauteur la tête du pilote... Les Vietnamiens ont évolué, ils sont passés de la bicyclette à la moto, mais le chargement est toujours resté aussi imposant. Le car commence à monter sur une route en meilleur état, et les sommets de montagnes verdoyantes, couvertes de forêts ou dévastées par les essartages successifs se fondent dans une brume noire. Nous suivons une route sinueuse ou les lacets se perdent dans le brouillard. Nous n'y voyons pas à plus de vingt mètres, mais le chauffeur doit connaître parfaitement la route, car il n'a pas ralenti. Nous fonçons dans la purée grise, découvrant au dernier moment la voiture ou la moto arrivant en face et pas toujours à sa droite, en plus ! Le moment de payer arrive, et le caissier me demande de payer 200.000 dongs, soit dix dollars. Bien évidemment, c'est trois fois le prix, alors je refuse. Il insiste, je lui propose cinquante mille. La négociation n'est pas facile. Finalement, j'accepte pour 100.000. Il est content, et moi aussi, car je trouve que ne payer que le double quand on paye 5 $, c'est convenable. Mais à force, cette arnaque institutionnalisée est fatigante. Le billet de train est plus cher pour les étrangers, certains hôtels aussi, et c'est le gouvernement qui instaure cette loi... Alors pourquoi pas le particulier ?

Je vais à l'hôtel Hoang Vu, et pour huit dollars j'ai une chambre très correcte. Le soir, je ne sors pas beaucoup, car il fait un froid humide et je grelotte.

 


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