Dernière modification: 30/03/2013
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Samedi 19 janvier 2013. Yangon - Mandalay.
Je passe la matinée dans l’oisiveté la plus totale. Comme toujours quand j’arrive à Yangon, je suis un peu démotivé. Je connais la ville et je n’aime guère m’y déplacer sur ces trottoirs défoncés qui m’obligent à marcher le regard fixé au sol. En milieu d’après-midi, je prends un taxi jusqu’à la gare routière. Je connais déjà le chauffeur, car il m’avait parfois transporté l’an dernier. Pour arriver à la gare située à une vingtaine de kilomètres au nord, il faut traverser Yangon, avec la nuit qui tombe, c’est la même angoisse qu’en arrivant de l’aéroport, jeudi. Nous avons droit à un bon ralentissement assourdissant ; c’est la fête d’un temple et sur près de deux kilomètres, la route est bordée d’étals et de manèges. Chacun a mis une musique qui vocifère. Je n’aime pas quand c’est si fort, mais faut s’y faire ! Nous croisons un convoi de camionnettes décorées comme des chars de carnaval sur lesquelles d’énormes haut-parleurs diffusent un bruit si confus que je ne suis pas sûr que ce soit de la musique. Comme la circulation est bloquée dans les deux sens, nous sommes ainsi torturés pendant une bonne dizaine de minutes. Ici, pour la fête du temple, les réjouissances et l’énorme marché durent une semaine. Dans la gare routière, c’est le chaos le plus total : heureusement que le chauffeur de taxi sait où me mener, car on peut voir des bus dans tous les sens, des voitures qui bloquent tout, on entend des sirènes de cars sinistres comme des appels de détresse de navires en perdition. Le sol est poussiéreux, les salles d’attente sur les bords sont encombrées de bagages et de cartons, la fumée des diesels forme des halos bleus autour des phares de tous ces véhicules qui arrivent pourtant à sortir de ce cloaque. Notre car démarre à huit heures, comme prévu. Les premiers kilomètres, parmi les piétons, les cyclistes et les charrettes sont un véritable parcours du combattant. J’admire le chauffeur, car pour compliquer les choses, au Myanmar on roule à droite, mais tous les véhicules, même les plus récents, ont le volant à droite. Alors pour doubler les camions ou pour déboîter dans les embouteillages, ce n’est pas toujours évident. Nous retrouvons enfin l’autoroute. Entre Yangon et Mandalay, elle semble traverser un désert : pas une lumière dans cette plaine infinie, pas un relief... de temps en temps une ligne de réverbères qui semblent plantés au milieu de rien du tout, car je ne distingue aucune habitation. Nous nous arrêtons à une aire de repos où d’immenses restaurants illuminés comme des manèges de foire proposent quelques plats traditionnels qui me semblent peu appétissants. Je préfère puiser dans ma provision de biscuits ! Minuit : on repart dans l’immensité noire ; il fait un froid glacial dans le car et tous les passagers se sont emmitouflés dans tout ce qu’ils ont pu trouver : anoraks, couvertures, rideaux de fenêtres... On dirait des tas de chiffon d’où aucun abattis humain ne dépasse. Pour ma part, j’ai endossé ma veste achetée au Laos. Je suis le seul étranger, et comme le car n’est pas rempli, j’ai deux places pour moi tout seul. Le confort ! Dimanche 20 janvier 2013. Mandalay. La gare routière de Mandalay semble perdue en pleine campagne. Le dernier kilomètre pour y arriver est une piste empierrée, poussiéreuse, toute défoncée... C’était ainsi il y a deux ans, lors de mon dernier passage, ce sera certainement comme ça l’an prochain. Je monte dans un taxi infernal jusqu’au centre-ville qui est très loin, tout au bout d’avenues sombres, tristes, où presque tout le monde roule sans lumière. Notre taxi, échappement libre, secoue les quartiers traversés d’une détonation sèche à chaque fois que le chauffeur décélère. Cela amuse les deux passagers installés à l’arrière, mais le chauffeur reste imperturbable, le regard fixé à la route sous la visière de sa casquette de Donald. Au E.T guest house, le prix des chambres a augmenté de 50 %, et j’ai la chance d’avoir une chambre simple à vingt-cinq dollars. Il est cinq heures et demie, et il me faut attendre jusqu’à huit heures avant d’en disposer, alors je vais au petit café d’en face. Les employés préparent la pâte de petits gâteaux qu’ils feront cuire sur la plaque au-dessus d’un fourneau qui enfume toute la boutique. Le sol est sale les murs douteux, le patron pas très net et les employés crasseux ! Sur les murs d’un beau vert pomme, des versets du Coran superbement encadrés attestent que l’établissement est musulman. Les clients arrivent les uns après les autres avec leur calot sur la tête, leur longyi noué sur le ventre et la grosse veste, car avec 16°, c’est le grand froid ! Il y a deux ans, le patron rabrouait et bousculait un enfant de huit ans, car il ne travaillait pas assez vite. Aujourd’hui, l’enfant est toujours là, il se lève toujours à quatre heures à l’ouverture de la boutique. Il n’a pas grandi, il a toujours cet air renfrogné des enfants qui ne connaissent pas les jeux. Pendant qu’il fait la vaisselle, la patronne lui donne sur la tête trois coups d’un bâton aussi gros qu’une batte de base-ball, sans raison apparente. L’enfant ne bronche pas, il passe simplement la main sur son crâne endolori. Je n’ai pas très envie de me promener dans Mandalay, car je connais déjà la ville, et il fait chaud dans la journée. De plus, on me permet de m’installer dans ma chambre, j’ai la « télé 5 Monde », et je récupère les quelques heures de sommeil manquantes en écoutant les infos. Je me réjouis d’être à dix mille kilomètres de la France, car les nouvelles sont dramatiques : engagement de notre armée auprès de l’armée malienne contre les jihadistes qui ont mis la main sur la moitié nord du pays et qui continuent leur progression, pluie et inondations dans le sud de la France, prise de sept cents otages par des islamistes au sud de l’Algérie... Pour cette dernière information, les forces algériennes ont attaqué les terroristes et une trentaine d’otages y auraient laissé de leur vie. J’imagine toutes les informations et contre informations qui peuvent être dites à ce sujet, et je préfère être ici où la télé ne parle même pas de tout cela ! Dans l’après-midi, je vais en mototaxi jusqu’à la gare pour acheter mon billet de train pour aller à Shuebo demain. Sur la moto, je ne suis pas très rassuré, car le pilote se faufile dans la circulation, et traverse les carrefours devant des bus ou des voitures comme si nous étions un véhicule prioritaire. C’est à la fois effrayant et excitant. C’est comme au train fantôme : on regrette d’être monté et l'on est pourtant content d’avoir peur ! Une nouvelle me sape le moral : je ne peux pas aller dans le nord, à Myitkyina car il y a des combats entre les forces gouvernementales et l’ethnie Kachin. Mon projet de redescendre l’Ayeyarwadi en bateau « tombe à l’eau ». Alors soudain, je me dis que je n’ai plus aucune raison de rester ici, j’ai envie de revenir en Thaïlande. |
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