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Jeudi 2 décembre 2004.

Nong Khai - Vientiane.

J'aurais voulu partir à sept heures pour éviter l'affluence à la frontière, mais je dors si bien qu'Amnoay n'ose pas me réveiller. C'est très gentil de sa part, mais elle se fait rabrouer vertement. La pauvre, elle a parfois le sentiment d'être traitée avec injustice... Nous prenons donc un touk-touk à neuf heures. À la frontière, ce n'est pas la foule, mais tout de même il nous faut une bonne heure pour passer. C'est surtout du côté laotien que l'ordinateur avance plus lentement. Nous prenons un taxi ( 200 bahts ) pour parcourir les vingt-cinq kilomètres qui restent entre le pont de l'amitié enjambant le Mékong et la capitale. Le taxi, je ne sais même pas ce que c'est ? C'est peut-être une Toyota des années soixante-dix ou une vieille Lada qui fut blanche dans ses années de gloire... Je n'ose pas mettre le sac dans le coffre tant il est noir de poussière comme si le précédent voyage avait été consacré au transfert d'une cave de charbon. J'essaye d'ouvrir la portière arrière, comme je n'y parviens pas, le chauffeur me vient en aide : il fallait tirer de toutes ses forces ! La porte s'ouvre dans un gémissement de gonds rouillés et de métal tordu. Jamais je n'aurais osé me montrer aussi viril avec cette pièce de musée. On aurait presque envie d'enfiler les gants de fil blanc pour toucher cette antiquité. Je dépose le sac à dos sur la banquette arrière qui se dresse à la verticale. Ce n'est pas grave, je vais aller m'asseoir de l'autre côté. L'autre portière n'est pas difficile à ouvrir, elle est déjà ouverte. Je ramène la banquette à l'horizontale, je m'assois prudemment, mais le contrepoids étant un peu plus lourd que le sac, l'ensemble s'effondre vers les dossiers des sièges avant, m'emprisonnant les jambes. Le chauffeur trouve cela tout à fait habituel, il pense donc que je suis bien installé et il claque la portière qui refuse de se fermer. En donnant trois grands coups de poing juste en dessous de la vitre, il parvient à ses fins. Amnoay s'est installée à la place du mort. Elle a, au niveau des yeux, recouvrant le tableau de bord, une sorte de fourrure synthétique noire de poussière. Le pare-brise rendu opaque par les reliquats d'autocollants lui fait plisser le nez. Le chauffeur, un quinquagénaire au visage à la peau hâlée et au regard retors ( bien entendu, hâlé et retors ça va bien avec un taxi... ) s'assied derrière son volant joliment protégé par un fourreau assorti au tapis du tableau de bord. Il n'a aucun mal à fermer sa portière : il lui suffit de la soulever et de la tirer vers lui. Elle se bloque en grinçant contre le montant. C'est déjà une bonne chose : je ne pense pas que nous ayons à déplorer la perte du chauffeur en cours de voyage. Le démarreur fonctionne du premier coup, le moteur émet un doux bruit tout à fait normal, et c'est presque surprenant. Dès les premiers tours de roue, je comprends que le voyage ne sera pas des plus confortables. Les suspensions talonnent au moindre cahot, toute la caisse grince, gémit et claque. J'ai réussi à dégager mes jambes et à remettre le siège à peu près en place. Avec quelques coups de volant pour garder le cap, le chauffeur réussit à suivre le bas-côté. Amnoay est un peu inquiète, car elle ne savait pas qu'au Laos on roule à droite. Clank ! Ce n'est rien, c'est ma portière qui vient de s'ouvrir. Il n'y a plus de poignée à l'intérieur, donc, je n'ai aucune prise pour la refermer, et manque de chance, ma portière est la seule dont la vitre est remontée. On s'arrête. Le chauffeur descend. Comme il n'a pas de frein à main et que la route est en légère déclivité, la voiture continue, au ralenti, son petit bonhomme de chemin pendant qu'il court fermer ma porte de l'extérieur et qu'il revient se réinstaller derrière ses commandes. Je l'aime bien le chauffeur, c'est un sportif ! À part la mienne, toutes les vitres sont baissées et il n'y a aucune manivelle. Je pense que le chauffeur baisse les vitres au début de la saison sèche et qu'il les remonte pour la saison des pluies... Nous approchons de Vientiane ; la circulation se fait plus dense. Ma portière s'est à nouveau entrouverte, mais ce n'est guère alarmant. Une forte odeur d'essence a envahi l'habitacle, mais je n'ai aucune inquiétude, car vu l'état des portes, nous pourrons sauter en cas d'incendie, et vu la vitesse, nous ne nous ferons pas plus de mal qu'un piéton qui trébuche ! J'ai bien tort d'ironiser à propos de notre taxi, car il nous dépose devant Sihom Guest House sans que la moindre panne ne soit venue perturber notre voyage. 

 

Anousavali clique sur le monument clique à gouache 

 

L'après-midi, nous allons au marché Talat Sao, une immense halle où l'on trouve surtout des vêtements, des bijoux, des sarongs et de l'électroménager. La plupart des produits sont Thaïlandais.

Vendredi 3 décembre 2004.

Vientiane.

Aujourd'hui, c'est la journée la plus chargée. Nous allons donc prendre un déjeuner consistant en une soupe de raviolis au porc avec des vermicelles transparents. La nourriture n'est guère différente de celle de la Thaïlande, elle est peut-être un peu moins épicée, et le riz est souvent du riz gluant, plus facile à rouler en boulettes quand on mange avec les doigts. Et le matin, on trouve les baguettes de pain frais, habitude restée, comme au Cambodge, depuis la colonisation française. Pour la bière, on ne consomme pratiquement que de la « Lao », mais elle est de qualité acceptable. On trouve facilement du vin français à des prix abordables, l'alcool n'étant pas taxé comme en Thaïlande. 

Nous prenons un touk-touk pour nous rendre à l'ambassade du Cambodge pour faire nos visas, et, arrivés sur place, nous nous rendons compte que nous avons oublié les passeports à l'hôtel. Donc, nous faisons un aller et retour rapide, non sans discuter le prix du touk-touk. Nous allons au marché « talat sao » pour prendre une soupe aux nouilles et nous partons visiter le Vat Pha That Luang : « grand stupa sacré ». 

 

Vat That Luang  clique tout doucement  clique pour l'agrandir

 

C'est le monument le plus important et le plus représenté au Laos. Il figure sur l’étiquette de nombreux produits, comme les Chinois présentent souvent le temple du ciel. Le monument a été rénové, repeint en blanc et doré à l'occasion du sommet des pays asiatiques qui se tenait à Vientiane ces deux dernières semaines. L'immense stupa doré, bordé d'un feston de flèches dressées comme des missiles, se détache sur un ciel paraissant, par contraste, encore plus bleu. Tout autour, une pelouse verdoyante, bien entretenue et un cloître percé de minuscules fenêtres... Ce majestueux chédi ne manque pas d'impressionner Amnoay qui se prosterne comme à chaque visite de temple avec son bouton de lotus et ses bâtonnets d'encens. Nous reprenons un touk-touk jusqu'au Haw Pha Kaew, temple construit en 1565, entièrement détruit lors de l'attaque des Siamois qui rasèrent la ville en incendiant la plupart des temples en 1827. Il a été reconstruit pendant la colonisation entre 1936 et 1942, mais l'on ne sait pas si les plans originaux ont été respectés. L'ensemble est élégant, cela peut impressionner ceux qui n'ont visité ni le Wat Phra Keo de Bangkok, ni les temples de Luang Prabang. En ce qui me concerne, cette bâtisse de bois un peu sombre, à la silhouette noire me laisse de marbre. 

 

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Nous traversons la rue et entrons dans le Vat Si Saket par une petite porte donnant sur un petit vestibule, dans la cour entourée d'un cloître au toit assez bas. Il abrite six mille bouddhas. De minuscules figurines de terre cuite sont placées par paires dans de petites niches, des bouddhas de bronze grandeur nature ornent le bord du passage. Certains datent du XVI° siècle. Les toits de couleur brune, les murs ocre donnent une lumière chaude très agréable. Comme dans la plupart des temples, c'est un calme bienfaisant qui règne ici. Dans le sim de dimensions modestes, les murs sont également percés de mille alvéoles dans lesquelles je remarque des figurines poussiéreuses représentant des bouddhas. Autrefois, elles étaient en argent, maintenant elles sont en céramique ou en terre cuite. Les murs sont décorés de fresques assez mal conservées mais suffisamment lisibles pour laisser mon imagination inventer les détails de cette bande dessinée. Curieusement, ce temple a été le seul bâtiment épargné au cours du sac de la ville par les Siamois en 1827 et à nouveau en 1830. On pense que c'est parce qu'il avait été construit dans le style des temples anciens de Bangkok.

Nous allons au marché pour échanger de l'argent, et avec 40 euros, on nous donne 521 000 kips en billets de 5 000 ! Amnoay fait des yeux en phares d'automobile. Je vais boire un coca en suivant... Amnoay débourse 5 000 kips pour le payer. Elle retombe subitement sur terre en réalisant qu'elle ne sera pas plus riche qu'avant ! Dès qu'on achète quelque chose, on a l'impression de jouer au Monopoly. Pour Amnoay, c'est une déchirure à chaque fois qu'il faut payer... Donner 11 000 kips pour un plat de riz qui ne vaut que 40 bahts en Thaïlande, ça lui fait peur et ça l'amuse en même temps.

Malgré notre fortune, nous restons des gens simples, et nous revenons à pied jusqu'à la Sihom guest house, en longeant le Mékong.

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