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Traversée du Sahara
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Samedi 9 juillet 1977. Serres-Morlaàs – Hendaye. (199km). Départ de Serres-Morlaàs à sept heures et demie sous un ciel gris, peu engageant, qui nous aurait plutôt incités à rester au chaud. Quel temps pourri ! À Lescar, première bévue du voyage, je coince ma crinière dans la vitre de la portière. Jurons, et décision de couper les cheveux fous dès ce soir à Hendaye. Pancho qui se moquait de moi, ne tarde pas à pincer la manche de son tricot dans l’autre portière. Vraiment, les 4L sont mal foutues de la fenêtre ! Nous n’en sommes qu’au début, et la faim se fait sentir : on se gave de chaussons aux pommes à Puyoô. À Bayonne, nous avons rendez-vous avec des gars qui ont sillonné les sentiers que nous allons piétiner, et quelle n’est pas ma surprise de trouver, garée devant leur immeuble, une 4L que je connais bien pour l’avoir repérée dans la rue à… Téhéran en 1975. Elle est facile à reconnaître : les gars ont peint leur itinéraire jusqu’à Bangkok sur les portières. Le monde est petit ! Les gens qui nous donnent des « tuyaux » sur la traversée du Sahara sont assez sceptiques quant à nos chances de réussite en plein été avec une Renault 4. Ils ne connaissent pas les capacités du mécanicien Pancho ! Nous, nous y croyons, et nous ne renoncerons que devant l’évidence. Nous devons passer, puisque j’ai réussi avec une 4L moins préparée que celle-ci sur les pistes surchauffées d’Iran, d'Afghanistan ou du Pakistan ! À Hendaye, nous allons chez le médecin qui nous donne une quantité convenable de médicaments à emporter pour prévenir toutes les maladies : la malaria, la rougeole, la flemme, la « cagaire », le rhume des sables… Nous passons chez le coiffeur pour nous faire « ratiboiser le mont des lamentations ». Nous sommes tellement tondus que nous avons peur de rencontrer des gens connus : le bruit pourrait courir que nous sortons de prison ! Nous allons nous enrhumer, ce qui nous permettra d’utiliser les médicaments !
Dimanche 10 juillet 1977.
Hendaye –
Linares. (792km). Le temps s’est mis au beau, à huit heures, ce matin, pour ne pas nous laisser quitter la France avec une mauvaise impression. Il y a bien un peu de brouillard sur l’autoroute, et nous avons des difficultés pour monter le col avant Vitoria. Le danger vient de derrière, car nous nous traînons avec une consommation de douze litres aux cent kilomètres, mais le moral reste bon : le mécanicien est vigilant ! Notre système de filtre à air à bain d’huile avec aspiration à l’intérieur de la voiture ne semble pas plaire au moteur ! Pancho essaye diverses combines plus ingénieuses les unes que les autres qui ramènent la consommation à 8,8 litres, puis à 8,1 litres… Mais nous restons loin des 6,8 litres préconisés par le constructeur ! Ce problème de consommation nous préoccupe toute la journée, ce qui nous empêche de nous ennuyer. À Madrid, nous tournons en rond pendant un grand moment avant de trouver la route du sud via Ocaña. Si on commence par se perdre sur le périphérique de Madrid, ça ne laisse rien présager de bon, en ce qui concerne notre traversée du Sahara ! Cependant, comme nous sommes rusés, nous nous apercevons que nous passons deux fois au même endroit, donc nous nous en sortons… Le reste de la route est monotone, monotone… Quand nous nous arrêtons pour passer la nuit au bord de la route, nous sommes si fatigués que nous n’avons aucun mal à dormir ! Lundi 11 juillet 1977.
Linares –
Algésiras (487km). Dès le matin, réglage de l’avance, nettoyage du carburateur, bricolages divers… ça, c’est le travail de Pancho qui ne pense qu’à trafiquer le moteur à grand renfort de tournevis. Il serre des colliers, il en desserre, il en enlève, il en remet un ici, un autre là… je ne sais pas ce qu’il invente, mais ça marche ! Il se recrée l’ambiance du boulot, ce qui lui donne l’impression que le garage Minvielle s’est déplacé en Andalousie ! C’est beau le dépaysement. Quand on redémarre, toujours la même préoccupation : la consommation que Pancho n’arrive pas à maîtriser. Et ça ne s’arrange pas. Il fait chaud : trente-deux degrés, nous sommes avachis, et nous nous demandons si nous allons supporter les cinquante degrés qui nous attendent bientôt ! Pancho est rouge comme un poivrot, mais il bredouille dans un langage à peine cohérent qu’il n’a pas chaud, mais qu’il aimerait bien, toutefois, boire une bière fraîche. Nous mangeons une grande « tortilla », nous buvons un bon coup de rouge, et nous somnolons jusqu’à Séville. La chaleur nous rend mous comme des caramels ! Sur la route nous nous traînons à quatre-vingts kilomètres-heure. Nous pensons que c’est la galerie de toit qui doit faire prise au vent, ou le moteur neuf un peu trop serré, ou alors, tout simplement, c’est parce que je n’ai plus la force d’appuyer sur l’accélérateur ! Nous essayons de nous rassurer en disant sans arrêt : « Oh, mais ça doit monter ! » Nous arrivons en vue de la Terre africaine au détroit de Gibraltar. Avant de quitter l’Europe, nous allons manger des sardines dans un troquet où le patron applique le tarif « spécial touristes ». Le soir, nous allons nous doucher gratuitement dans un camping où nous observons de splendides spécimens de dinosaures variqueux, de girafes aux longs cous et d’arachnides velus… Nous n’avons pas fini d’être les plus beaux ! Comme nous avons peur de cette faune, nous partons bivouaquer dans la nature ! Événement du jour : Pancho, se trouvant pieds nus sur une fourmilière a failli être dévoré vivant par mille petites bêtes voraces qui faisaient du slalom entre ses poils de mollets.
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