Dernière modification: 09/07/2012

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Kyaiktiyo

 

   

 

Mardi 27 décembre 2011.

Yangon-Kinpun ( Myanmar ).

Je pars à Kyaiktiyo. Je vais voir le fameux rocher doré qui, en équilibre au bord d'une falaise abrupte, domine la vallée. C'est un des principaux sites de pèlerinage du Myanmar. Je prends un taxi jusqu'à la gare routière de Aung Mingalar ( 6000 kyats ). Le chauffeur ne parle pas un mot d'anglais, ni de français, mais il trouve le moyen de me dire « Zidane good », au bout de quelques instants : « Chirac good » et tout d'un coup après quelques instants de réflexion, il me lance : « Sarkozy no good ! » Je fais un petit sondage, je lui demande ce qu'il pense de Bayrou ou de Chevènement, il croit que ce sont des joueurs de foot et avoue ne pas les connaître. Il trouve le moyen de me dire qu'au Myanmar le gouvernement non plus n'est pas bien. Quand je prononce le nom de Aung San Suu Kyi, l'opposante politique prix Nobel de la Paix séquestrée jusqu'à l'été dernier ( officiellement gardée en résidence surveillée ), il se contente de sourire et de répéter son nom en hochant la tête. La circulation est intense, mais fluide. À Yangon, il n'y a pas de motos : interdit. Les mauvaises langues disent que c'est parce que la junte a peur des attentats, mais ce n'est pas un mal, car si les motos permettent de mieux circuler, elles polluent et sont une terrible nuisance sonore.

Dans la gare routière, le chauffeur me laisse juste devant la petite salle d'attente de la compagnie Win avec laquelle je dois voyager. Une cour rectangulaire est ainsi entourée de petites salles dans lesquelles on a disposé des bancs de bois pour que les passagers puissent attendre. Les bus se placent à reculons devant chacune de façon à bien enfumer les personnes à l'intérieur, mais on ne se plaint pas... on tousse juste un peu ou on met la main devant la bouche comme si cela suffisait. J'attends treize heures. Des cars arrivent, repartent, on charge des ballots, des cartons, des valises, des sacs de riz... À treize heures trente, je monte dans le bus. Je suis devant, avec un bonze pour compagnon de voyage. La route est suffisamment large pour se croiser, mais le problème vient surtout des charrettes ou des cyclo-pousse. On roule à droite et tous les véhicules, même les cars ou les camions ont le volant à droite. Alors, on place « le navigateur » sur le marchepied, et c'est lui qui, penché à l'extérieur, jugera en cas de dépassement, si la manœuvre est possible. Il n'a aucun intérêt à se tromper, il est à la place du « sûr d'être mort ». La région est une plaine agricole où l'on moissonne le riz. Les paysans travaillent encore avec des buffles et surtout de petits bœufs bossus qui avancent lentement. On vanne avec les fléaux et en profitant du vent. Auprès des maisons, je devrais dire des paillotes, sur l'aire de battage, deux ou trois personnes armées de fourches soulèvent la paille pour la séparer du grain. Une ligne haute tension traverse la région. Les pylônes sont étrangement bas, peut-être pour être plus résistants aux cyclones, et les câbles passent si bas au-dessus des chaumières qu'on pourrait presque y suspendre le linge ! Le long de la route, des paysans ont érigé de petites pyramides de tubercules blancs semblables à des navets qui se mangent comme des pommes. Leur chair est juteuse et sucrée. Sur la route, les cyclistes transportent parfois des charges surprenantes. Le bitume étant surélevé de dix bons centimètres au-dessus du bas-côté, il ne leur est pas possible de se ranger lorsque le car arrive, alors il les frôle dangereusement ou il attend derrière eux que la voie soit libre. Nous sommes donc ainsi obligés de nous arrêter à chaque instant, ce qui fait tomber la moyenne à moins de quarante à l'heure. Peu importe, le siège est confortable, par la vitre baissée un air doux vient me rafraîchir, et je suis nettement mieux ici pendant quatre heures que dans un char à zébus !

 

   

 

Nous traversons Bago, ville populeuse où le car se fraye un passage à grands coups de klaxon. Dès que nous nous arrêtons, des marchandes, un plateau sur la tête, proposent des oranges, des morceaux de poulet grillé et toute sorte de nourritures que je ne connais pas et que je ne me risquerais pas à essayer, leur couleur rouge me laissant supposer que cela me mettrait le feu au système digestif !

À la tombée de la nuit, nous arrivons à Kinpun Camp. Un employé du Sea Sar Guest House est là pour racoler les éventuels clients : cela ne peut mieux tomber, c'est là que je veux aller. Je m'installe dans un bungalow sommaire, mais suffisamment confortable pour moi. La salle de bains est propre, l'eau à peine un peu tiède, mais les moustiques noirs et gros comme des mites volent si lourdement qu'il est très facile de les tuer. Peu importe, j'allumerai un serpentin pour les dissuader de m'approcher. Dans la soirée, je vais dans la rue principale bordée d'horribles échoppes de souvenirs. On y vend des objets fabriqués avec des bambous : des fusils mitrailleurs qui font un bruit de crécelle lorsqu'on appuie sur la détente, des sabres de bois, des chapeaux de paille et l'inévitable bâton de pèlerin en pur bambou garanti fait main. Les restaurants eux, proposent tous le même menu à mille cinq cents kyats ( 1,50 euro ) : poulet , poisson, morceaux de porc ou de bœuf cuisinés dans des marmites en inox. Il suffit de soulever le couvercle pour choisir. Presque tous ces plats sont préparés en daube de couleur orange à cause du piment, mais ils ne sont pas excessivement relevés me semble-t-il. On m'apporte d'abord une soucoupe avec trois petits morceaux de poulet où il y a autant d'os que de viande. Au premier abord, je pourrais penser que pour le prix, je n'ai pas mon compte, mais peu à peu la table se couvre de soucoupes : une contenant des herbes frites à l'odeur d'ensilage, une dans laquelle des miettes de viande arrosées d'huile orange ne m'inspire pas confiance, un bol de bouillon dans lequel flottent des feuilles allongées comme des feuilles de nandinas, et l'inévitable bol de riz. Pour la quantité, c'est presque plus qu'il n'en faut. Je puise un peu dans chaque soucoupe, et je mélange au riz, et à part « l'ensilage » ( qui semble être des feuilles de moutarde fermentées dans du bambou ) tout est bon. La bière presque fraîche remet mon gosier comme du velours. Dans la vie, les choses simples peuvent parfois procurer bien du plaisir...

 

   

 

Mercredi 28 décembre 2011.

Kinpun-Kyaiktiyo( Myanmar ).

J'aurais dormi un peu plus si le haut-parleur de la gare de camions partant à l'assaut de la montagne ne m'avait réveillé par des vociférations assourdissantes. Il n'est pas encore quatre heures. Je n'ai pas l'intention de partir voir mon rocher de si bonne heure, car de toute façon, il n'est pas possible d'assister au « féerique lever de soleil ». En ce qui concerne le lever de soleil, je ne crois pas qu'il soit si beau qu'on le dit, car un soleil qui éclaire un rocher doré, cela ne peut rien avoir d'inoubliable ! Je ne pars que vers neuf heures, pensant que l'affluence des touristes locaux se sera calmée. Il n'en est rien. À la gare de départ des camions, le spectacle est plutôt cocasse. Les gens attendent en riant, en s'interpellant, c'est une indescriptible cohue que couvre le haut-parleur appelant les passagers. Ils montent dans les camions non bâchés à l'aide d'un escalier amovible. Ils sont dans le même état d'excitation que les gens grimpant dans le train fantôme ou le « dragon Kan » au parc de « Port Ventura » à Salou. On a placé une demi-douzaine de madriers en travers, d'une ridelle à l'autre, et comme seuls les passagers se trouvant sur les côtés peuvent s'agripper aux ridelles, on serre les autres de façon à ce qu'ils ne puissent plus bouger. Je suis un peu effrayé à l'idée de m'entasser ainsi au courant d'air au soleil et à la poussière pendant presque une heure, sans compter les cahots qui doivent se répercuter dans le madrier, alors je décide de monter dans la cabine où le prix est à peine plus élevé ( 1400 k à l'air libre, 2000 k en cabine ). Mais il faut être cinq, et en général, ce sont des personnes d'un même groupe ou d'une même famille qui ont droit à ce privilège. J'ai la chance de trouver un américain et deux Chinois voyageant ensemble, et nous avons donc nos places dans la cabine. La route monte dès la sortie de Kinpun, dans un décor banal de buissons et de hautes herbes. Les virages en épingle à cheveux se succèdent. Les camions fument et le côté droit de la route est noirci par les gaz d'échappement. Quand nous arrivons à Yatetaung, les personnes installées à l'arrière descendent le long d'un quai contre lequel le camion est venu accoster. Alors, la pénible ascension débute, le long d'une route cimentée, grimpant en lacets le long de la falaise. Je suis le seul à ne pas avoir ma canne en bambou. Je regrette alors d'être parti aussi tard, car il est presque onze heures et le soleil est très cruel en cette fin de matinée ensoleillée. J'aperçois le rocher doré, là-bas en haut de la montagne et je devine même l'affluence tout autour. La fin de l'ascension, couverte, entre les boutiques vendant d'affreuses petites maquettes du « Golden Rock » et les marchands de beignets ou de brochettes, est tout aussi pénible. C'est long, ce n'est pas beau et il n'y a pas un souffle d'air. Arrivé au sommet, je longe la crête occupée par des hôtels, des boutiques diverses et j'arrive sur l'esplanade. Le rocher est là, au bout, il brille un peu, car il est doré. Il est coiffé d'un petit stupa de sept mètres de haut, et est entouré de barrières en inox offertes par l'Australie. ( Je le sais, c'est écrit dessus ! ) Les temples entourant le roc ne sont pas très esthétiques. Je descends quelques marches et me voilà sous le rocher, du côté où il devrait rouler s'il venait à se détacher. Je ne peux pas dire que ce soit beau, le paysage n'est pas grandiose, le lieu est un centre de pèlerinage, et, de ce fait, il est un lieu commercial un peu désagréable.

 

   

 

La légende du Rocher d'or de Kyaiktiyo.

Au XI° siècle, le Roi Tissa reçut d'un ermite un cheveu du Bouddha Siddharta Gautama. Il avait conservé ce cheveu dans son chignon. Il demanda au Roi de trouver un rocher ayant la forme de sa tête et de bâtir à son sommet un petit stupa. Le Roi eut beau chercher, aucun rocher ne convenait. Il fit donc appel aux dons surnaturels que lui avaient légués son père Zawgyi, alchimiste chevronné, et sa mère la princesse Naga ( serpent mythique ). Il découvrit le rocher au fond de la mer. Il le transporta dans un bateau qui se transforma en pierre dès qu'il accosta miraculeusement au sommet de la montagne, juste au bord d'une falaise. Quand les eaux se retirèrent, le rocher resta en équilibre sur le rebord du précipice. On peut encore voir le bateau qui servit à transporter le rocher, il porte le nom de Kyaukthanban, ce qui signifie « bateau de pierre ». Il se situe à quelques centaines de mètres du rocher sacré. Le rocher d'or doit son équilibre au cheveu du Bouddha se trouvant à un emplacement très précis dans le stupa.

Cette croyance laisse supposer qu'avant le XI° siècle le rocher était inconnu, certainement bien blotti dans une jungle inextricable.

Comme les Asiatiques considèrent toujours les anomalies de la nature comme des manifestations surnaturelles, chaque lieu présentant un caractère atypique devient aussitôt un lieu de dévotion et de pèlerinage. Ainsi près de chaque grotte, de chaque cascade, on trouve souvent un petit stupa ou une pagode. Les croyances animistes encore très ancrées dans les esprits trouvent une explication, parfois très lointaine de la philosophie bouddhiste, à chaque « caprice de la nature ».

Je ne reste pas longtemps, il me tarde de pouvoir prendre une bonne douche fraîche pour retrouver ma vigueur fortement ébranlée par la pénible ascension. La descente n'est pas plus agréable, elle est seulement plus rapide. La route descend tellement que les orteils viennent se recroqueviller sur l'avant des chaussures, et je me félicite de ne pas être monté en tongs. Je croise des porteurs charriant des bagages entassés dans une hotte aussi grande qu'eux. Ils font l'ascension pour la modique somme de mille kyats ( un euro ) par voyage. Je remarque même des femmes travaillant ainsi et faisant jusqu'à quatre voyages par jour. Il y a aussi ceux qui portent les chaises dans lesquelles se vautrent quelques touristes vieillissants ou de riches bourgeois pour qui la marche à pied est dégradante. Ils sont quatre à porter la litière, synchronisant leurs pas pour ne pas que la personne transportée soit secouée.

Pour redescendre en camion, je trouve trois Anglais avec qui je partage la cabine. Le chauffeur s'est coiffé d'un chapeau en forme de casque de Bo Doï vietnamien, il chique et crache régulièrement des jets de salive rouge. Au Myanmar, nombreuses sont les personnes qui chiquent ainsi à longueur de temps. Leurs dents en deviennent noires, leur bouche prend une teinte sanguinolente et leurs lèvres bordées d'un rouge vif semblent maquillées. Malheur à celui qui longe un bus de trop près dans une gare routière, il risque de prendre un de ces jets sanguinolents sur le costume !

Le soir, même bière à peine fraîche, même menu dans un autre restaurant, le seul changement, c'est la soucoupe d'ensilage remplacée par une soucoupe contenant des légumes râpés un peu comme du céleri d'un jaune citron dégageant une odeur d'urine et de lisier de porc... Je ne sais pas si c'est bon, je n'y ai pas goûté. Bah ! nous faisons parfois la grimace, mais soyons honnête, le Camembert, la cancoillotte ou les excréments de bécasse faisandée sur du pain grillé, ce n'est certainement pas appétissant pour eux. Et puis nous mangeons bien des escargots et des cuisses de grenouilles, des huîtres vivantes... Si l'on sert, dans tous les restaurants, un plat humant le lisier ou l'ensilage, c'est que pour eux c'est bon !

 

Jeudi 29 décembre 2011.

Kinpun-Yangon.

Retour à Yangon par la même route que mardi. Le trajet me semble beaucoup plus court. Arrivé à Yangon, à ma descente du taxi rue Mahabandoola Garden, je suis surpris par un bourdonnement de ruche. La ville entière n'est qu'un ronflement sourd qui couvre même le tumulte de la circulation. Dans l'escalier de l'hôtel, le gros groupe électrogène fonctionne. Il fait un bruit assourdissant, mais ne fume pas. Heureusement, car j'ai déjà assez de mal à grimper les escaliers avec mon gros sac à dos ! Pourquoi toute la ville ronfle-t-elle ainsi ? La réponse est simple : hier soir la centrale thermique a été endommagée par une explosion de gaz, donc, la ville n'est plus alimentée en électricité que par les groupes électrogènes privés.

 

   

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