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Samedi 15 janvier 2011.

Nyaung U - Kalaw.

Lever à trois heures : c'est un peu difficile, bien sûr, mais il faut prendre le car vers Kalaw. Avant le départ, le chauffeur fait le tour des hôtels. C'est un bus d'une trentaine de places aux sièges si rapprochés que mon voisin allemand, un peu grand ne peut pas caser ses jambes et se trouve obligé de les laisser dans la rangée. Il voyage ainsi tout tordu, s'appuyant sur moi qui me trouve coincé contre la fenêtre. Un air glacial me tombe sur le cou et les épaules par la vitre mal jointe, et de plus, elle s'ouvre sans arrêt. Jérôme n'a pas pu caser son mètre quatre-vingt-dix dans l'espace vital qui lui est réservé, alors il a une mine de chien battu. Heureusement, le chauffeur fractionne le voyage en s'arrêtant régulièrement. Alors, chacun déplie sa carcasse pour manger un beignet ou une soupe de nouilles dans l'échoppe voisine. Le paysage est poussiéreux, car la route devient souvent une piste infernale, pierreuse, où des femmes déversent des paniers de cailloux concassés. Le bus va cahin-caha et nous sommes secoués comme des sacs de cacahuètes. Ce n’est même pas beau, sur les bas-côtés, alors on s'ennuie, Delphine essaye de dormir, mais sa tête cogne sans arrêt la vitre à côté d'elle, alors elle a les sourcils froncés, le front plissé et le regard vague. Elle n'est pas contente, mais elle ne dit rien. Il faut se faire une raison... Nous roulons à vingt ou à soixante à l'heure suivant l'état de la route. Comme il n'y a qu'une bande de goudron sur le milieu, l'un des véhicules est obligé d'emprunter le bas-côté en terre pour chaque croisement. Je pense que le chauffeur a décrété que nous avions priorité, car ce n'est pas souvent nous qui descendons dans les fondrières des côtés. Heureusement ! Après Thazi, la route de plus en plus défoncée commence à s'enfoncer dans une vallée bordée de montagnes souvent pelées par une déforestation si intensive que c'est une catastrophe. Les villages se font plus petits : seulement cinq ou six cabanes couvertes de paille, avec l'inévitable épicerie qui vend le strict nécessaire. Et toujours cette poussière qui blanchit le talus et les arbres des bas-côtés. Nous aussi, dans le car, nous blanchissons un peu, bien que nos visages soient de plus en plus sombres. Nous grimpons un col en doublant des camions qui ajoutent l'odeur de leurs gaz d'échappement au désagrément de cette fine poussière qui forme un panache blanc dans leur sillage. « Ralliez-vous à mon panache blanc » est d'actualité, aujourd'hui ! Le paysage n'est pas à couper le souffle, lui. Les lacets en contrebas, parmi les frondaisons, la vallée qui s'estompe dans des lointains bleus... pas de quoi baver d'admiration. C'est un paysage de moyenne montagne, sans plus. Nous finissons par arriver à Kalaw. Alors là, nous sommes soulagés. Nous déplions nos membres ankylosés, prenons notre sac à dos et allons au Lily Golden Guest House. ( Nous sommes passés devant le Honey Pine Hotel sans nous arrêter. Le nom et le standing ne nous conviennent pas ! ) On nous donne des chambres très propres, tout en bois comme dans un chalet de montagne, avec salle de bains et eau chaude pour nous dépoussiérer. Je retrouve les deux Françaises, Nathalie et Juliette, avec qui j'étais allé visiter Amarapura. Le monde est petit en voyage : on se croise, se retrouve, se sépare et parfois on se rencontre à nouveau l'année suivante. Nathalie a été mordue par un chien en visitant un temple. En général, ils ne sont pas trop agressifs, en Asie du Sud-Est, mais ils ont faim, alors ils essayent peut-être de mettre une touriste à leur menu. Elle est un peu inquiète, car les animaux ne sont pas vaccinés et ils ont parfois l'air en mauvaise santé, tout pelés et si maigres qu'on leur compte les côtes.

     

Nous allons au marché. Ginette a envie de goûter à tout ce qui se mange, Rolland boirait bien une bière, mais ce n'est pas l'heure. Il faut savoir se discipliner en voyage ! Les vendeuses ont étalé leurs fruits et légumes à même le sol. Le soleil décline, l'air se fait plus vif. Ce soir il fera carrément froid. La température se rapproche de zéro et avec mes chemisettes manches courtes, je suis sur le point de grelotter. J'achète une veste kaki, pas trop moche qui risque fort de revenir en France.

Le soir nous allons manger des chapatis, une soupe de nouilles et boire une grande bouteille de bière à « l'Everest Nepali food center ». C'est une famille népalaise qui tient ce restaurant et, pour une fois, je ne mange pas birman. Nous nous régalons parce que c'est bon et parce que nous n'avons pas beaucoup mangé aujourd'hui.

Le coucher se fait en musique, un groupe de jeunes ayant eu l'ingénieuse idée de faire des grillades et de gratter la guitare en chantant juste devant l'hôtel. Ils chantent à plusieurs voix et s'amusent comme savent s'amuser les gens heureux.

 

Dimanche 16 janvier 2011.

Kalaw.

J'ai dormi avec les chaussettes, deux T-shirts, le short, et j'aurais supporté un peu de chauffage dans la chambre. Presque trop chaud la semaine dernière, presque trop froid aujourd'hui... C'est dur d'être explorateur !

À neuf heures, il fait un beau soleil qui m'incite à ouvrir la porte donnant sur le large balcon. J'ai une vue tout à fait ordinaire sur des bâtiments couverts de tôles rouillées, des hôtels modernes, quelques maisons en brique, et par là derrière, des collines boisées dont l'une est surmontée de l'inévitable temple à la pointe dorée. Le ciel d'un bleu pur laisse présager une bonne journée, mais nous sommes à mille quatre cents mètres d'altitude, et il ne fait pas chaud. Heureusement que j'ai acheté ma veste « Super-Rambo ».

     

À midi, nous allons manger des nems dans la rue. C'est bon et pas cher, alors nous sommes contents. Nous partons ensuite à pied visiter la grotte Shwe Oo Min. Si nous avons chaud en marchand sur le chemin pour y aller, dès que nous pénétrons dans la cave, c'est surtout le sol qui nous glace les pieds. Nous suivons d'étroites galeries aux parois ornées de petites statuettes de Bouddhas en pierre, en faïence, en laiton, éclairées par des néons ou de petites lampes LED clignotantes. La grotte se ramifie en plusieurs petites cavités au bout de corridors de plus en plus bas et étroits. C'est surprenant, cela ne ressemble pas à tout ce que nous avons déjà vu. Heureusement, car les temples et les Bouddhas, on commence à connaître !

Je suis content, car j'ai trouvé une connexion Internet qui fonctionne très bien. Je vais pouvoir communiquer et me sortir un peu de mon isolement. De plus, les messages et les photos envoyés ces derniers jours sont parvenus à leurs destinataires.

 

Lundi 17 janvier 2011.

Kalaw - Lac Inlé. ( Nyaungshwe )

Ce matin, mes quatre compagnons de route partent en randonnée : trois jours entre Kalaw et le lac Inlé. Ils avaient négocié le prix à treize dollars la journée, mais ce matin, la patronne a un peu augmenté le tarif : elle veut quinze dollars. Le calcul est vite fait : quatre personnes qui paient chacune six dollars de plus pour la randonnée, cela fait un total de vingt-quatre dollars. Elle est un peu pingre la patronne. Hier elle m'a rendu la monnaie avec des billets de cinq dollars portant des traces de plis, car elle sait que personne ne les accepte, même pas la banque. Moi, je n'ai pas fait d'histoires, car j'en ai plein, des images de cinq dollars... Les copains parlementent, négocient, ne veulent pas céder. Ils ont raison : « chose promise chose due ». On leur avait promis ce tarif pour ne pas qu'ils s'adressent à une autre agence, et maintenant qu'ils ont versé des arrhes, on veut les contraindre à payer plus cher. La méthode est discutable ! Comme ils paralysent le reste du groupe ( onze personnes ), la situation finit par se débloquer, et ils partent enfin à neuf heures et demie au lieu de huit heures et demie.

Me voilà seul, livré à moi-même. Je vais au cybercafé pour envoyer quelques photos et des messages, et Internet fonctionne mieux qu'à Yangon ou Mandalay.

Je me rends à la gare à onze heures, car le train pour Shwengyaung doit partir à onze heures trente. Je me doute bien qu'il aura un peu de retard. La gare n'est pas loin, j'ai tout mon temps, mais je prends un taxi, car je n'ai pas envie de porter le sac. Quelques personnes attendent sur le quai cimenté. Le responsable m'annonce que le train aura deux heures trente de retard. Il arrivera à quatorze heures... si tout va bien. Je suis prêt à attendre encore plus si nécessaire. Peu importe, ce sera quand même mieux que le car sur la route défoncée. Je m'installe à une petite table, sur un minuscule tabouret et je prends un café avec des beignets délicieux. Le thé est offert. Ici, il faut savoir laisser couler le temps... tout arrive à qui sait attendre, sauf peut-être les trains parfois. Et justement, le train n'arrive pas ! Dans l'autre sens, un Anglais avec qui j'ai sympathisé a plus de chance, son train pour Thazi n'a que trois heures de retard. Vers quatre heures, la gare se remplit de paysans portant des sacs, des fagots des cartons avachis, des enfants emmitouflés dans des couvertures. J'ai espoir de voir arriver le moment de mon départ. Je vais pour acheter le billet que, jusqu'à présent, le responsable n'a pas voulu me vendre, et il me dit, l'air désolé, que le train annoncé va à Thazi. La locomotive donne de grands coups de trompe, la tension monte. Elle approche à la vitesse d'un marcheur, tractant quatre wagons qui se dandinent doucement. Des grappes de voyageurs se forment à chaque porte de wagon et s'éparpillent sur le quai avant même que le train soit arrêté. Une effervescence soudaine s'empare de la petite gare. Les marchandes de fruits ou de petites friandises, les porteurs, les voyageurs, tout le monde court dans tous les sens. Les marchandes de beignets et de denrées les plus surprenantes se pressent, leur plateau sur la tête. L'une d'elles vend des feuilles de chou. Qui peut donc grignoter des feuilles de chou crues dans le train ? Des passagers montent, d'autres descendent, des ballots, des cartons passent par les fenêtres... Tout à coup, le mugissement assourdissant de la motrice retentit, et le convoi redémarre. Les retardataires courent et bondissent sur les marchepieds, quelques marchandes sautent, leur plateau sur la tête et, lorsque passe le dernier wagon, je remarque deux jeunes gens installés sur le crochet d'attelage. Ils vont jusqu'à la prochaine gare, ou plus loin. Ce n'est peut-être pas confortable, mais ça présente l'avantage d'être gratuit. Le quai s'est complètement vidé. Il ne reste que les chiens squelettiques à la recherche de quelques restes de repas lancés par une fenêtre de wagon. Malheureusement pour eux, ici, les voyageurs mangent tout, à part les peaux d'oranges ou de bananes. Voilà soudainement les lieux déserts et je commence même à les trouver sinistres. La petite gare retrouve sa quiétude de gare de western. Il faut patienter encore une heure ? deux heures ? Nul ne le sait. Une malheureuse Hollandaise attend depuis ce matin neuf heures. Comme moi, elle ne se décourage pas. Elle a vingt-quatre ans et la vie devant elle. Elle a passé sa journée à lire le guide de voyage.

Quand le chef de gare nous déclare, rayonnant, que nous pouvons acheter les billets, nous sentons quelque chose comme la récompense de notre détermination. Lorsque le hurlement de la locomotive se fait entendre au loin, nous croyons rêver. Nous allons enfin partir ! Nous montons dans un compartiment affrété par des jeunes gens qui voyagent avec leur professeur et étudient dans une école spécialisée pour travailler plus tard dans la société nationale de chemins de fer. Nous sommes bien accueillis. Toujours les mêmes questions, toujours la même gentillesse. Au fond du wagon, un petit groupe gratte la guitare en hurlant des chansons locales. Je ne peux pas dire que ce soit mélodieux, mais ça met de l'ambiance. Sur le bord de la voie, des villages de cases de bambou couvertes de chaume : elles semblent désertes. Le wagon tangue si fort que j'ai vraiment peur qu'il déraille. Des paquets tombent des filets au-dessus de nos têtes. Cela n'inquiète pas les jeunes gens qui continuent à converser avec nous en remettant tout en place. La nuit, elle aussi, tombe brusquement. Nous voilà dans la pénombre, car le wagon n'est presque pas éclairé. L'air fraîchit. Les jeunes s'enveloppent dans des couvertures et, bien qu'il ne soit que six heures, commencent à dormir. Nous nous arrêtons dans de petites gares obscures où seules quelques personnes descendent et s'enfoncent dans les ténèbres, leur baluchon sur la tête. Pour eux le seul lien avec l'extérieur, c'est le train ou quelques heures de marche sur un sentier, poussiéreux ou boueux suivant la saison. Nous finissons par arriver à Shwengyaung au bout de trois heures. Cela fait une grosse moyenne de vingt kilomètres par heure. Vu l'état de la voie, ce n'est pas trop mal. Devant la gare, des motos taxis nous proposent de nous mener à Nyaugshwe. Bien entendu, de nuit, avec notre gros sac à dos et le froid plutôt vif, c'est impensable. Nous préférons affréter un triporteur. Nous sommes moins bien protégés que dans un touk-touk thaïlandais, car il n'y a pas de pare-brise devant le guidon de la moto. Dire que, partant pour onze kilomètres, nous nous enfonçons dans la nuit n'est pas exagéré. Nous roulons à la clarté de la lune : le phare de la moto ne marche pas. Nous sommes transis, frigorifiés, congelés. J'abandonne la petite Hollandaise et je pose mon sac au Aquarius Inn. Il est neuf heures, je vais manger un poulet au curry. J'ai passé ma journée à attendre un train qui a bien fini par arriver. Je n'ai pas tout à fait perdu mon temps, car j'ai l'impression d'avoir fait beaucoup de choses.

 

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Dernière modification:  20/11/2012