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Dimanche 26 décembre 2005.

Phnom Penh - Kampot.

 

faut pas cliquer dans la soupe ! 

 

Nous négocions un touk-touk à 5 000 riels pour nous rendre à la gare routière du marché Doem Kor, de façon à prendre le car pour Kampot. À neuf heures, un dimanche matin, les rues sont déjà encombrées de véhicules les plus divers, de la charrette à bras au véhicule tout-terrain le plus luxueux. On sent bien que dans quelques années, peut-être même dans quelques mois, Phnom Penh sera aussi asphyxiée que Bangkok par une circulation démentielle ! 

Quand nous arrivons, le minibus est presque complet, mais il reste bien encore un peu de place si nous nous faisons tout petits. Quand les passagers sont bien tassés à l'intérieur, qu'on est sûr qu'il ne reste vraiment plus de place pour une personne supplémentaire et que la galerie de toit déborde de gros sacs, nous pouvons partir. La route vers Kampot est bonne, bien qu'un peu étroite pour la circulation actuelle. Nous traversons un paysage jaune de rizières moissonnées, sur les bas-côtés, des paillotes se serrent sur le bord d'un canal asséché, et par là-dessus, la silhouette longiligne des palmiers à sucre semblables à des têtes de loups prêtes à dépoussiérer les nuages… Les cent quarante kilomètres du trajet me semblent bien longs, car je ne peux plus bouger. Je suis coincé entre mon dossier et le passager se trouvant devant moi, car son siège est cassé, et je l'accueille presque sur mes genoux. La situation est d'autant plus inconfortable qu'à chaque dos d'âne, nous sautons allègrement. Amnoay qui a la faculté de se glisser dans le plus petit interstice est devenue minuscule, entre un grand jeune homme et moi. À Kampot, nous descendons du minibus devant le marché, et nous allons au restaurant Shang Hai où je mange une délicieuse soupe au poulet et à l'ananas. Amnoay s'est perchée accroupie sur sa chaise pour faire honneur à un riz frit aux crevettes et au calamar. Un employé de Mealy Chenda nous conduit à la guest house en voiture. L'hôtel est très correct, avec une salle de restaurant au rez-de-chaussée, et c'est bien appréciable, car les restaurants sont plutôt rares à Kampot.

En fin d'après-midi, nous traversons la place, vers la halle du marché étrangement vide et abandonnée. Bien qu'un peu décrépites, les maisons coloniales bordant le long rectangle de pelouse de la place, n'ont pas trop mauvaise allure. Nous longeons le fleuve jusqu'à la maison du gouverneur. Le coucher de soleil est très beau, et la promenade entre l'eau écarlate et les arbres de l'allée est reposante. Kampot vit calmement auprès de son fleuve dont les eaux immobiles ne coulent même pas ! Sur l'autre rive, des toits de tôle et des palmiers à sucre accrochent quelques derniers rayons de soleil. 

 

clique sur le soleil  ne pas cliquer sur la dame

 

Le soir, je m'installe avec Amnoay à une table couverte d'une toile cirée, au bord du trottoir. Elle prend du jus de fruits, et comme c'est l'heure de ma bière, mais que la marchande n'en vend pas, je vais en acheter une à l'épicerie du coin, et Amnoay demande même un verre. Aucun problème, la concurrence, ça n'existe pas ! Ensuite, je vais manger le demi-canard qui m'attendait, tout repeint de rouge-orangé, derrière la petite vitrine d'une marchande de plats à emporter. Deux gosses faméliques viennent mendier et récupérer les canettes métalliques que les clients laissent sur les tables… Le chien du quartier est bien gras, par contre : il mange certainement mieux qu'eux ! 


agrandis la maison coloniale : clic !  caresse le cheval  mets ta petite main blanche dans l'eau  clique sur le temple   clique sur le palmier pour agrandir le coucher de soleil


 

Lundi 27 décembre 2004.

Kampot.

Aujourd'hui, nous apprenons, par la télé thaïlandaise, l'horrible nouvelle : une vague, un raz-de-marée, a dévasté la côte ouest de la Thaïlande et les îles dans la région de Phuket, ainsi que les côtes de Sumatra et de Ceylan. On parle de plusieurs centaines de victimes… je pense qu'il faut prévoir plusieurs dizaines de milliers, vu la hauteur de la vague ! 

 

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Je vais à Bokor avec la voiture de l'hôtel et six autres touristes. Nous montons par une route absolument défoncée à travers la jungle. C'est à croire qu'on s'est acharné à arracher le goudron dont seules quelques traces subsistent par endroits. Nous arrivons au palais du Roi Sihanouk, une bâtisse très modeste couverte de moisissure noire et de mousse rouge. À l'époque, elle était plaquée de bois précieux. Le panorama sur la côte, mille mètres en contrebas, est splendide. Nous reprenons la voiture. Nous reprenons la voiture pour parcourir la dizaine de kilomètres qui reste, et nous finissons par une marche de deux kilomètres dans la jungle et les broussailles. Rien de bien spectaculaire, et le seul piquant de l'aventure, c'est la crainte des serpents. Je me méfie et je regarde où je mets mes pieds ! Je débouche dans un champ d'herbes folles desséchées. À ma gauche, des bâtisses noires, sans toit, aux fenêtres aveugles, à ma droite l'ancien casino en ruines, et, au loin, l'église rouge… Ce village fantôme, plongé dans une inquiétante immobilité et un impressionnant silence, a cessé de vivre lorsque le pays s'est enfoncé dans la nuit noire de la période Khmer rouge. Aujourd'hui, dans le labyrinthe des chambres et des suites du Grand Hôtel sans fenêtres, on devine le faste de l'époque. Dans la vaste salle de restaurant, on entend presque le murmure des conversations, et par les larges baies vitrées, on devine la côte et la mer bleue en contrebas.

L'église est restée en bon état : il suffirait de quelques pots de peinture pour lui redonner son éclat d'antan. Nous allons à la chute d'eau ; encore de la piste défoncée, des ponts de bois peu rassurants, et nous arrivons, dans le silence de la forêt, à une cascade de pierre noire et grise où seul un mince filet d'eau clapote doucement. En dehors de la saison des pluies, la cascade est bien triste !

En redescendant par la route étroite et défoncée, nous nous trouvons nez à nez avec un 4X4 immatriculé ONU. La conductrice, une Française, ne veut pas reculer jusqu'à une portion plus large où nous pourrions nous croiser sans problème. Son passager, personnage arrogant et prétentieux descend, et avec une méprisable expression de dédain, ordonne à notre chauffeur de mieux se garer. Il ne le peut pas, car il est au bord d'un profond fossé. Si le 4X4 recule d'une dizaine de mètres, le problème est résolu, mais l'ONU ne recule pas ! Alors, la conductrice s'énerve, force le passage, et avec son rétroviseur, enfonce le côté de notre voiture. Comme je descends pour leur faire remarquer que les dégâts ne sont pas négligeables, elle me répond avec l'assurance de ceux qui se sentent supérieurs : « Laissez-moi, je sais comment il faut faire dans ce pays ! » Cela veut dire : je suis Française, j'ai tous les droits par rapport à ces Cambodgiens sous-développés… Une telle expression de mépris me révolte ! Est-ce que ces gens se rendent compte que l'époque de la colonisation est terminée ? Je ne peux m'empêcher de les insulter. Bien entendu, ça n'apporte aucune solution au problème, ça ne sert à rien, mais bon Dieu comme ça me fait plaisir de leur montrer que tout le monde ne se met pas à genoux ou à plat ventre devant eux !

Le soir, je vais manger mon canard et boire ma bière dans la rue, il fait presque frais !

Mardi 28 décembre 2004.

Kampot.

Nous retrouvons Caroline et Dominique, les Canadiens rencontrés à Don Det. Le monde est petit.

La télé ne parle que de l'épouvantable tsunami qui a dévasté le sud de l'Asie de Sumatra à la côte Africaine… cinquante mille victimes, peut-être le double ou le triple… le bilan est loin d'être définitif ! 

 

bonze amer   clique pour agrandir

 

Je vais à Kep en moto avec Dominique. Cette ancienne station balnéaire située à vingt-cinq kilomètres de Kampot s'est laissée manger par la végétation. Seules, quelques maisons dégagées de la jungle qui les a étouffées, semblent pouvoir retrouver leur dignité dans un proche avenir. Les autres, noircies par la moisissure, éventrées, sans toit ni fenêtres, se sont laissées grignoter par la végétation. Voici ce qu'écrit une expatriée revenue sur les lieux : « Après avoir longé la mer quelques instants, nous arrivons à Kep. Et là, quel spectacle de désolation ! Cette coquette station balnéaire aux jolies villas autrefois enfouies sous la verdure et les fleurs n'est plus que ruines : des maisons, il ne reste que les murs, les ouvertures sont béantes, la jungle les envahit… J'ai la gorge serrée. Nous mangeons au bord de la mer, sous les cocotiers. Le poulet grillé est bon, mais le cœur n'y est pas ! » 

 

vieille branche à sa fenêtre  clique sur le damier

 

Je n'ai pas connu Kep au temps de sa splendeur, mais je peux deviner et imaginer ce qu'elle fut en observant les ruines des résidences émergeant des broussailles. Par contre, on commence à défricher, à nettoyer les lieux, on restaure certains bâtiments, et je pense que l'espoir de voir renaître ici un charmant village de résidences secondaires pour les citadins de la capitale n'est pas à exclure. 

Le soir, nous allons manger le canard laqué avec Caroline et Dominique. Les deux enfants faméliques que je rencontre tous les soirs viennent mendier de la nourriture autour du plat qui trône au centre de la table. Je suis obligé de les chasser. Amnoay, ça ne la dérange pas ; elle est habituée à cette situation, car les restaurants de rues, en Thaïlande, sont souvent peuplés de mendiants. Moi, j'ai la désagréable sensation de perdre ma dignité ! Quand, à la fin du repas, j'appelle les enfants pour leur donner les morceaux qui restent, le plus grand me tend une poche en plastique douteuse pour que je la remplisse avec les morceaux de viande et le riz que nous avons laissé. Les deux gosses s'accroupissent au bord du trottoir pour dévorer leur repas. C'est un festin pour eux ! Ensuite, ils reviennent nous remercier discrètement les deux mains jointes à hauteur du visage. Et c'est peut-être cela le plus difficile à supporter : nous leur donnons nos restes et ils viennent nous remercier pour notre générosité…

Mercredi 29 décembre 2004.

Kampot.

 

ne pas cliquer dans les rayons   bien plein !

 

Nous aurions dû partir ce matin, mais nous prolongeons d'un jour. Ce n'est pas parce que le secteur est intéressant à visiter, c'est parce que nous nous trouvons très bien à rester à ne rien faire à Kampot. Et nous ne faisons rien de la journée, sauf aller musarder au marché. Ça sent surtout le poisson, sous cette halle obscure. On y trouve des raies, des barracudas, des poissons-chats noirs rampant au fond de leur cuvette d'aluminium, des soles et de petits poissons roses et argent bien appétissants ! Dans les secteurs à ciel ouvert, les fruits et les légumes ont des couleurs éclatantes ! 

Le marché de Kampot. 

ne pas cliquer sur le balancier  poisson sèché  ne pas cliquer sur la marchande  ne pas toucher, même avec des gants  ne pas mettre sa petite main blanche au panier


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