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Mardi 21 décembre 2004.

Kratie - Kompong Cham.

Je déjeune avec Dominique et Caroline. Elle se remet lentement, mais elle est encore un peu affaiblie. Les problèmes digestifs peuvent engendrer de sérieux ennuis sous les tropiques ! En ce qui nous concerne, tout va bien jusqu'à présent : Amnoay mange son riz frit de bon appétit et, pour moi, c'est « l'œuf au riz » avec une baguette de vrai pain français bien frais.

À dix heures et demie, nous prenons le bateau « speed boat », cette longue embarcation blanche que l'on trouve aussi sur le Tonlé Sap entre Siem Reap et Phnom Penh. Entre les rives souvent cultivées de petits potagers, parfois surmontées d'un temple aux toits dorés, nous filons sur les eaux calmes et jaunes du fleuve. En deux heures trente, nous sommes à Kompong Cham. Nous débarquons au milieu des poubelles et des poches en plastique jetées n'importe où, sur une rive poussiéreuse. Pour fuir les motos taxis et les chauffeurs de véhicules divers qui veulent nous mener dans des auberges ou des hôtels où ils espèrent toucher une maigre commission, nous nous installons à la table d'un petit restaurant de rue. La patronne nous sert des plats tout juste mangeables dans une vaisselle presque propre. Elle a de la chance que nous ayons faim ! 

 

avec ta petite main, cueille la fougère

 

Nous affrétons la remorque de Vannat, un Cambodgien francophone fier d'être cité dans le guide « Lonely Planet ». Il nous mène au Vat Nokor où nous trouvons les lieux en effervescence, un étranger venant d'être assommé par de jeunes voleurs. La victime est partie à l'hôpital, les malfrats courent toujours, mais il ne fait aucun doute qu'ils seront vite repris, car la population locale ne semble pas tolérer ce genre d'incident. Les touristes commencent lentement à arriver au Cambodge, et personne n'accepte que des jeunes délinquants viennent salir la réputation de leur région. J'apprends d'ailleurs le soir même que les trois jeunes voyous ont été arrêtés. Je ne sais pas si le touriste a mal à la tête, mais ce dont je ne doute pas, c'est que les délinquants, eux, ils doivent avoir très mal à leur tête ! La police n'est pas tendre dans les commissariats ! 

 

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Le temple Nokor est un site Khmer du XI° siècle dans lequel un temple coloré aux multiples colonnes décorées et peintes a été incorporé. C'est assez curieux, cette cohabitation de la pierre sculptée et des parois ornées de fresques polychromes. Je trouve cela très beau, même si c'est du toc un peu kitsch. Amnoay, assise les jambes repliées sur le côté, est en grande conversation avec le vieux moine assis tailleur devant la grande statue de Bouddha. Je pensais qu'elle lui demandait d'exaucer ses vœux, mais en réalité le brave homme lui raconte l'agression du pauvre touriste… Comme quoi le représentant de Bouddha peut aussi faire office de bulletin d'information. Nous remontons dans la remorque pour nous rendre au Phnom Pros ( colline des hommes ), près du Phnom Srei ( colline des femmes ). Il s'agit de deux temples construits sur des buttes dominant la « morne plaine ». La légende attachée à ces lieux est la suivante : un groupe d'hommes et de femmes firent un concours, à celui qui construirait le plus vite un temple sur deux promontoires voisins avant le lever du soleil. Ils se mirent tous à l'oeuvre, mais durant la nuit, les femmes allumèrent un grand feu, et les hommes, toujours aussi naïfs, croyant que le soleil se levait, cessèrent les travaux. Quand le soleil se leva pour de bon, les femmes avaient fait un temple beaucoup plus grand et nettement plus beau que celui des hommes qui perdirent le concours ! Le Phnom Pros est aujourd'hui un temple récent, les Khmers Rouges ayant rasé la construction précédente. Une allée bordée de statues de béton colorées avec ce goût des teintes vives qui caractérise l'art sacré cambodgien, mène à un colossal Bouddha peint d'une belle couleur dorée. Un curieux bloc de béton gris représentant les quatre visages que l'on trouve sur les portes du site d'Angkor Thom trône sur un bâtiment sans caractère. Sur la colline, le temple de couleur grise aux moulures de ciment attend de trouver des teintes plus attrayantes. Je fais confiance aux artistes locaux pour colorer le bâtiment avec insolence !

Au retour, Vannat nous fait traverser le pont pour visiter la tour de guet construite par les Français en bordure du Mékong. Elle a été tellement dégradée par les combats qui ont fait rage à Kompong Cham avant la chute de Lon Nol, qu'il ne reste qu'une tour sans escaliers aux murs criblés d'impacts.

Le soir, nous allons à la recherche d'un restaurant digne de ce nom. Le quartier qui longe le fleuve est peuplé de péripatéticiennes bavardes et criardes qui jetteraient bien leur dévolu sur le « sexy-man » que je représente à leurs yeux. Mon « sexe à piles » ne leur a pas échappé, mais voilà, il y a Amnoay, et elle n'est pas disposée à me partager avec personne ! Ces gentilles dames exercent leur noble métier dans les petits hôtels du secteur, le nôtre entre autres ! Massages sordides, pubs douteux, bars obscurs… mais de restaurant point ! Autour du marché, c'est la même activité avec encore moins de lumière. Le quartier est inquiétant : les réverbères ne fonctionnent pas, seules les boutiques encore ouvertes éclairent faiblement une rue sale où des ombres furtives évoluent dans un feulement de tongs traînées à chaque pas. Quand nous trouvons le restaurant « Ace » tenu par un Australien, nous sommes soulagés. Le lok lak est délicieux, la bière est fraîche… Me voilà presque réconcilié avec cette ville où je n'ai aucune envie de m'attarder.

Mercredi 22 décembre 2004.

Kompong Cham - Phnom Penh.

Dès sept heures, nous prenons chacun une moto taxi pour nous rendre à la gare routière. Le sac de vingt kilos sur le dos, assis derrière le motocycliste, j'ai la désagréable impression, à chaque virage, que nous allons « faire une luge ». Nous prenons le car de sept heures, un minibus air conditionné suffisamment confortable pour que nous soyons de bonne humeur dès le matin. Cent vingt kilomètres nous séparent de Phnom Penh. Le car ne dépasse jamais les quatre-vingts kilomètres-heure, même lorsque la circulation est fluide. À huit heures, il s'arrête dans un restau de bord de route pour que nous puissions déjeuner. Nous restons là pendant une heure. Des marchandes d'araignées frites, de riz gluant et de fruits divers montent à l'assaut du bus en vociférant comme des oies. Sur la route 7, la circulation est intense et les véhicules variés : cela va du minibus bondé aux passagers entassés sur le toit, au « tok-tok », ce motoculteur à remorque transportant des grappes de paysans débordant de chaque côté des ridelles. Une moto tracte une remorque chargée de cochons roses énormes et hurlant à qui mieux mieux. Leurs cris désespérés se perdent dans le tumulte de la circulation. L'abattoir n'est pas loin… leur destin est tragique !

Au fur et à mesure que nous approchons de Phnom Penh, le trafic devient de plus en plus intense. Nous traversons le pont sur la rivière Sap, et nous parcourons des avenues sur le point de bouchonner. J'ai connu Phnom Penh presque calme il y a seize mois, je trouve une ville au bord de l'asphyxie : voitures, motos, et, ce qui est nouveau ; les tuk-tuk. Il n'y en avait que quatre il y a un an, on en voit partout aujourd'hui. Il n'y a tout de même pas beaucoup de taxis, et aucun bus de ville, ce qui fait de Phnom Penh une des rares capitales du monde à n'avoir aucun moyen de transport en commun. Je reviens au Angkorchey guest house, toujours à cinq dollars pour une chambre double avec salle de bains… c'est un bon prix. Nous sommes juste en face du marché Psar Char ( prononcer « psatcha » ). Il est quatorze heures, le soleil ne faisant de l'ombre que sur un côté de la rue. Je m'acharne à essayer de correspondre avec les amis par Internet, mais la connexion est impossible ; alors, je passe deux heures à m'énerver devant l'écran… Je ne sais pas si le progrès est toujours une bonne chose ?

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