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Dimanche 12 décembre 2004.

Savannakhet - Paksé.

Le vent souffle en rafales, un vent presque frais qui rend la vie bien douce. Savannakhet est presque déserte, car c'est dimanche. Nous prenons le bus de midi pour Paksé, un vieux véhicule Hino bleu et blanc, avec une bande arc-en-ciel du plus bel effet tout le long de la caisse. Les jantes orange vif font très joli aussi ! Nous arrivons à dix heures et demie, et nous pouvons donc choisir nos places. Nous sommes les premiers à nous installer. Petit à petit, le car se remplit et les énormes baluchons s'entassent sur le toit. Les voyageurs sont des gens de condition très modeste si j'en juge sur leur mine. Ils mangent toutes sortes de choses et recrachent tout par terre ; le plancher devient un vrai dépotoir au bout d'une demi-heure. À onze heures trente le car est presque sinistré ! Le trajet, jusqu'à Paksé, ne nous semble pas trop long, la route est bonne et le bus roule vite. Nous maintenons donc une moyenne de cinquante kilomètres-heure malgré les fréquents arrêts, et c'est très bien !

Le soir, Paksé, petite ville au bord du Mékong et du Xé Dong me semble bien triste. Nous avons une chambre sans fenêtre, si petite qu'il y a juste assez de place pour nous deux et mon sac à dos, à condition que je le pose verticalement. Même les cabines de bateaux sont plus grandes ! Dans la nuit, je suis pris de fièvre et de tremblements comme si j'avais une crise de palu… Je m'inquiète sérieusement, et Amnoay aussi. Ce n'est que le matin que je réalise que nous avons pulvérisé un insecticide avant d'aller au restaurant et qu'au retour, la pièce n'ayant aucune fenêtre, nous n'avons pas pu aérer… Nous aurions pu nous asphyxier comme des moustiques !

Lundi 13 décembre 2004.

Paksé - Champassak.

Nous montons dans un touk-touk qui amuse beaucoup Amnoay. C'est une moto qu'on a flanquée d'un side-car ou plus exactement d'une petite plate-forme sur laquelle on a fixé une banquette. Il n'y a pas de toit, c'est très commode pour porter les charges volumineuses.

Le car de Champassak est une de ces vieilles épaves qui roulent encore à destination des petites villes. On croirait qu'on a fait exprès de le cabosser et de tout casser à l'intérieur. Les sièges trop durs et trop rapprochés vibrent tout le long du trajet, j'ai des poches en plastique contenant des poissons sanguinolents entre les pieds ; derrière moi, une vieille tousse et renifle : je ne sais pas où elle crache ? De l'autre côté de la rangée, une femme sans âge, la joue déformée par une chique de bétel me sourit de tous ses chicots noircis dès qu'elle croise mon regard… et voilà qu'elle se met à cracher un liquide rouge comme du sang dans une poche transparente. C'est du plus bel effet ! Le pare-brise cassé par un pavé volant a été remplacé par des vitres ordinaires découpées en bandes verticales pour suivre l'arrondi du montant. Évidemment, un essuie-glace ne peut pas fonctionner avec un tel bricolage, alors le balai a été enlevé et la tige seule reste en position verticale, juste devant le nez du chauffeur. Ce dernier risque de bien « se fendre la poire » si un autre pavé volant vient à fracasser la vitre ! Des instruments de bord couverts de poussière de latérite rouge, aucun ne fonctionne. Le klaxon émet un son de sirène de bateau. Chose étrange, la pendule marche ; mais j'ai du mal à lire l'heure, car une personne bien inspirée a eu la géniale idée de la décorer en plaquant un autocollant du Bibendum Michelin sur la vitre du cadran. Alors, on ne voit plus que l'extrémité des aiguilles ! La galerie de toit est toujours si chargée qu'on a renforcé l'intérieur du bus avec des poutres dans toute sa longueur, soutenues par de gros tubes verticaux en acier. Ainsi, le toit ne risque pas de nous écraser en nous tombant sur la tête ! Nous arrivons à Ban Muang. Le car s'arrête en haut d'un chemin sablonneux descendant en pente raide vers le Mékong. En bas, des plates-formes de bois fixées sur des pirogues flanquées d'un petit remorqueur font office de ferry pour traverser le Mékong. Le bus monte sur cette sommaire embarcation. Aussitôt, une nuée de vendeuses de maïs bouilli, de légumes cuits à la vapeur, d'œufs incubés ou durs, de soupes… prennent le bus d'assaut. C'est effrayant de les entendre crier toutes en même temps, on dirait un vol de grues s'abattant sur le rivage d'un étang.

À Champassak, nous allons dans une petite auberge dont la chambre très sommaire ne coûte qu'un euro. Par les interstices entre les palmes de cocotiers tressées, on voit la chambre des voisins et même la salle d'eau. Pour l'intimité, on fera comme si l'on était dans un dortoir collectif… Il ne faut tout de même pas avoir l'outrecuidance de demander le grand confort à ce tarif-là !

L'après-midi, je vais à l'école. C'est un long bâtiment de bois sombre, à deux étages, et comme l'heure de la sortie approche, les enfants attendent bien rangés en chantant des chansons ou en hurlant des slogans… je ne sais trop. Comme je m'approche pour filmer, ils font du zèle, crient encore plus fort, et comme ils sont deux cents, ça fait du bruit ! Puis, au signal de la maîtresse, ils s'égayent entre les haies de bananiers. Très peu, parmi eux, ont des vélos, alors quand ils en ont, ils montent à trois dessus : un qui pédale avec le copain assis sur le guidon, et le troisième debout sur des repose-pieds fixés à hauteur du moyeu de la roue arrière. L'unique rue du village devient alors blanche, de la couleur des blouses des écoliers auxquels se mêlent les lycéens.

J'entre dans l'ancien temple. Je suis un des derniers à le visiter, car vu la verticalité approximative des colonnes, il ne devrait pas tarder à s'effondrer ! D'ailleurs, Bouddha lui-même est parti vers un logis plus sûr, à quelques centaines de mètres dans un temple flambant neuf !

Mardi 14 décembre 2004.

Champassak ( Vat Phu )

Nous visitons le site du Vat Phu, le « temple-montagne ». Ces ruines Khmères sont antérieures à la construction des temples d'Angkor et dateraient des VI° au IX° siècles. On longe d'abord une longue allée bordée de lingams ( phallus de Shiva ). De chaque côté, les quatre bassins symbolisant les quatre océans sont à demi comblés par des herbes folles. On passe ensuite entre les deux édifices de latérite sombre. Les fenêtres ont perdu leur alignement, les portes penchent dangereusement, les murs font des vagues. C'est cette déformation de la perspective qui m'intrigue et cela fait paraître les ruines encore plus belles ! On gravit un escalier bordé de frangipaniers dont les fleurs jaunes et blanches jonchent les marches de pierre grises. Un doux parfum rend l'ascension plus agréable. De la terrasse supérieure, on découvre toute la plaine et le grand bassin reflétant le ciel au bout de l'allée rectiligne. Bien que petit, le sanctuaire ne manque pas de charme : les linteaux de portes sont finement sculptés. On peut y voir Krishna tuant son oncle Kamsa, ainsi que deux belles sculptures en ronde bosse représentant une apsara et un gardien armé. Le sanctuaire, hindouiste à l'origine, puisqu'il abritait un lingam de Shiva, a été transformé en temple bouddhiste. Amnoay se prosterne trois fois devant la statue vermoulue d'un Bouddha vêtu d'une écharpe jaune, puis elle suit le sentier menant à la grotte d'où jaillit l'eau sacrée, celle qui venait, autrefois, par un réseau de canalisations dont on peut encore voir les traces, inonder le temple abritant le lingam de Shiva. Comme cette eau porte bonheur, j'ai droit à quelques gouttes sur la tête et sur le visage : peut-être pas assez pour nager dans la félicité, mais certainement suffisamment pour atteindre la plénitude de l'âme, et en plus, ça me rafraîchit drôlement et j'aime ça ! Nous passons devant un rocher où est représentée, dans un parfait état de conservation, la trinité brahmanique : Shiva, Vishnou et Brahmâ. Un peu plus loin, dans un chaos d'énormes pierres grises, un imposant rocher sculpté représente un éléphant grandeur nature. On a déposé devant lui son déjeuner : des gerbes de feuilles vertes. Ses yeux peints lui donnent un air féroce. Amnoay se prosterne, car le Bouddha, l'éléphant, ce sont des entités respectables. Plus loin, parmi la végétation, je remarque un curieux crocodile sculpté en creux dans la pierre. 

De retour à Champassak, je trouve le restaurant Souchittra où je peux enfin me régaler avec le bon steak-frites dont je rêve depuis des semaines… C'est presque aussi bien que la visite du Vat Phu ! 

 

trinité    essorage de la tresse

 

déjeuner de l'éléphant   clique pour voir l'éléphant

 


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