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Dimanche 21 novembre 2004. 

Surin.

Aujourd'hui, c'est la grande sortie ! Nous allons visiter les ruines khmères dans la région de Buriram, non loin de la frontière cambodgienne. La « brouette » de Yut et Lam étant un peu trop petite, ils font appel au voisin qui ne demande pas mieux que de nous amener avec son Isuzu. D'ailleurs, ça fera une sortie pour la famille, alors on met tout le monde dans la benne couverte par une bâche : nous sommes treize dans la voiture, car le voisin a amené sa femme et ses trois gosses, mais aussi sa belle-sœur et son beau-frère. Dans la cabine, trois adultes avec un bébé sur les genoux, et derrière, sur des nattes, le reste de la troupe ! Les Thaïs ont la faculté de rester accroupis sur leurs talons ou assis tailleur pendant des heures, mais moi, je souffre de ne pouvoir déplier mes jambes, alors le trajet de 70 kilomètres me semble bien long ! La campagne dorée donne au ciel une couleur lapis-lazuli. Les paysans moissonnent le riz par groupes de six à dix personnes, coiffés de chapeaux de paille jaune citron. La route est surtout fréquentée par des petits motoculteurs auxquels on a attelé une remorque. 

 

Shiva et Uma sur le taureau Nandin

 

Muang Tham  linteau muraille  clic ! pour agrandir

 

La première visite, c'est le Prasat Müang Tham, un temple du XI° siècle entouré de quatre bassins en L, symbolisant les quatre Océans entourant le Mont Meru, domaine des Dieux, représenté par les prasats, ces tours de grès ocre. Les linteaux sont superbement décorés. Sur l'un d'entre eux, Shiva et Uma son épouse montant le taureau Nandin semblent avoir été réalisés récemment tant la sculpture est précise et fine. Les visiteurs s'interpellent, rient aux éclats, se photographient dans les encadrements de portes, en bouchant le passage. Ils ont tous des trépieds qu'ils installent partout. C'est à croire qu'un container de pieds photos s'est échoué sur quelque plage du Golfe de Siam et qu'on en a offert à tout acheteur d'appareil photo. Celui qui n'a pas son trépied vissé au cul de son appareil passe vraiment pour le dernier des ploucs ! Avant, on prenait une photo ou deux, en économisant la pellicule, et c'était tout... Aujourd'hui, avec les appareils numériques, on prend des dizaines de photos, et à chaque fois tous viennent autour de l'appareil fixé sur son trépied, pour juger du résultat sur l'écran de contrôle... et on rigole parce qu'on se trouve trop gros ou bossu ou trop noir ! Le numérique met vraiment de l'ambiance dans les ruines ; et moi, pendant ce temps, j'attends que ce beau monde change de quartier pour filmer. Amnoay n'est pas très intéressée par les vieux cailloux, alors elle reste assise sous un arbre en attendant que je revienne. Yut, lui, il s'accroupit pour lire toutes les explications, et chaque fois que je le croise dans le labyrinthe des ruines, il rit, satisfait, en me disant que c'est très beau. Nous partons à huit kilomètres, à Prasat Hin Phanom Rung, un superbe temple khmer bâti sur le sommet d'un ancien cône volcanique, sur la route reliant Angkor à Phimaï. On accède au temple en suivant d'abord une allée de cent soixante mètres de long, bordée de bornes de grès. Devant moi, une foule multicolore a envahi les escaliers dominés par la tour du sanctuaire. Les rampes sont formées de corps de nagas dont les têtes finement sculptées ornent les coins de la terrasse du bout de l'allée. Un groupe de bonzes aux robes orange forme des taches colorées dans ce décor de pierre grise. Les femmes les évitent respectueusement : elles ne doivent avoir aucun contact physique avec un religieux qui représente le Bouddha. Au sommet des escaliers, on découvre toute la plaine environnante barrée au sud par une ligne de collines formant la frontière avec le Cambodge. On entre par la porte est. Un magnifique linteau représente Vishnou couché sur le dos d'un serpent-dragon. Un lotus surgi de son nombril porte Brahmâ le créateur. Ce linteau, volé au temple, avait réapparu en Amérique. Les Thaïlandais ont, au bout de difficiles négociations, obtenu sa restitution. J'arrive dans la vaste cour centrale. Le sanctuaire se dresse, imposant. Les pieds photos sont là, accrochés aux appareils numériques. Chacun y va de son cliché ! Les linteaux, les frontons rivalisent de beauté, ce sont parfois de véritables dentelles de pierre ! Yut lit les plaques donnant des explications, le chapeau sur les yeux, la moustache en accent circonflexe. Il me dit que c'est très beau : il est content Yut ! Amnoay, elle, elle a préféré rester dans la voiture, car elle est déjà venue ici avec moi il y a six ans, et elle se souvient que les escaliers sont raides ! 

 

fenêtre sur cour

 

Tout le monde redescend à la voiture : on part manger au restaurant à Prakhon Chai. Treize personnes à table et l'addition sera pour moi... Pas de quoi s'effrayer : je m'en tire avec 390 bahts ( huit euros ). Pour l'arrêt au poste d'essence, c'est pour moi aussi, mais le chauffeur est correct, il n'en profite pas pour faire le plein ! Tout cela est ce qu'il y a de plus normal : quand un étranger va dans une famille, il est de son devoir d'emmener tout le monde au restaurant ou en promenade et de régler les notes de frais au cours de la journée. Il en est de même pour un Thaï expatrié lorsqu'il revient au pays. Ce n'est pas malsain : on gagne en un mois leur salaire annuel, alors on leur fait profiter de notre aisance financière. Lam m'avoue que si je n'étais pas là, elle ne serait pas allée au spectacle donné par Chulomphon, ni au stade pour voir les éléphants... Il faut dire que pour moi, la somme dépensée aujourd'hui n'est pas énorme : 1100 bahts, soit vingt euros ! Les Thaïs n'ont pas notre esprit individualiste dans les basses couches de la société. Ils deviennent égoïstes en s'enrichissant. Depuis deux jours, on entend, jour et nuit, la musique d'un mariage dans le quartier. Tous les voisins sont invités à la fête, tous les parents, même les plus éloignés, viennent s'enivrer et manger gratuitement, on ne voit aucun mal à cela ! 

Le retour me semble moins long que l'allée : mes jambes se sont habituées à rester pliées. Bô, la petite fille du chauffeur intimidée, presque effrayée par la présence du « farang » ( étranger ) depuis le matin, commence à me sourire. Elle a cinq ans, des yeux comme des billes de jais, et quand elle boude, ses lèvres lui font un amusant petit bec de canard plus proéminent que son nez camus. 

 

timidité  clique sur les ratiches  Bô

 

Au retour, Yut m'emmène à Surin où je vais faire tirer sur papier les 183 photos prises depuis le départ. Je rentre en tuk-tuk, avec Amnoay à huit heures. Il fait nuit l'air est presque froid et Amnoay grelotte, sur la banquette du bolide ! Le moteur rugit, et pète en rafales quand le chauffeur lâche l'accélérateur. Nous doublons quelques cyclistes sans lumière, ça, c'est tout ce qu'il y a de plus normal, quelques motos pétaradantes, là ça prouve les performances du touk-touk... Mais quand nous commençons à doubler quelques voitures sur la nationale, avec notre triporteur diabolique, alors là je suis émerveillé, et aussitôt, je crie au chauffeur qu'il est meilleur que Shumacher. En voilà un compliment qui lui fait plaisir au pilote ! Il rit aux éclats en me regardant dans le grand miroir qui lui sert de rétroviseur, et pour me remercier et pour mieux me voir, il allume toute une rampe de lampes vertes et violettes autour du pare-brise, et, le pousse levé crie en riant aux éclats « Tchimatcher ! Tchimatcher ! Tchimatcher ! » Moi, j'aimerais autant qu'il regarde la route et qu'il se méfie des phares de voitures et de camions qui nous éblouissent en face... Arrivé à la maison, avant de repartir, le chauffeur me remercie les mains jointes à hauteur du visage. Je suis sûr que ce n'est pas pour le petit pourboire que je lui ai octroyé, non, c'est pour lui avoir attribué le nom du champion des champions : Shumacher. Il vient de monter en grade, le chauffeur de touk-touk ! Vraiment, les Thaïs sont de grands enfants ! Comment pourrait-on ne pas les aimer ! 

 

avec ta petite main blanche, nettoie le parebrise

 

J'arrive avec les photos : Lam quitte les casseroles, Yut son bricolage, Aphon et Mô abandonnent la télé et mes photos ont un succès inespéré. 

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