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Samedi 6 novembre 2004.

Bangkok - Trat.

Nous prenons le bus pour Trat. Avant d'arriver à la gare routière d'Ekamai, il faut supporter les embouteillages et accepter de rester bloqué à un feu rouge un peu plus d'un quart d'heure. Nous achetons le billet pour Trat et le car part aussitôt. Il est rare que nous ayons à attendre ! Les services de transports en commun sont très bien organisés, avec des départs toutes les demi-heures ou toutes les heures. Cinq heures de trajet dans un décor tout d'abord industriel, puis un affreux no mans land entre ville et campagne où des immeubles poussent bizarrement parmi les champs de canne à sucre. À l'approche de Chanthaburi les plantations d'hévéa longent la route, alternant avec les vergers : raboutant principalement.

 

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Le soir, je vais à l'hôtel « Muang Trat », comme d'habitude. Toutes les chambres ont été rénovées et les prix n'ont pas été majorés. J'aime dîner, le soir, sur la petite place du marché de nuit devant l'hôtel. J'y trouve toujours une ambiance de fête parmi les tables disposées autour des cuisines roulantes, dans l'odeur irritante du petit piment frit. Les Thaïs utilisent de virulents piments verts ou rouges, si petits qu'ils les nomment « prik khi nhou », ce qui signifie « crotte de souris ». Quand ils les jettent dans l'huile bouillante, la friture s'enflamme, jetant sur les alentours une sinistre lueur jaune, et dans le nuage de fumée qui suit, tout le monde tousse et pleure tant l'air est devenu irrespirable. Il ne viendrait à l'idée de personne de faire une remarque au cuisinier : la cuisine locale présente des inconvénients : il faut les supporter avec stoïcisme ! Moi, je commande une soupe de canard avec des nouilles de riz et des légumes. Amnoay y ajoute les morceaux du demi-canard rôti acheté chez le voisin, ça amuse le cuisinier, et à moi, ça me fait un plat copieux et succulent. Pour le dessert, un flan aux oeufs sur lequel on a jeté une petite pincée d'un fin hachis d'ail suffira !

 

Dimanche 7 novembre 2004.

Trat - Koh Chang.

Je vais déjeuner au marché couvert avec une bonne soupe aux légumes. Amnoay joue encore à l'alchimiste, et le résultat n'est pas décevant. On mange sur de longues tables disposées sur l'un des côtés du marché. Derrière moi, des femmes font griller des brochettes de porc ou de poulet qu'elles arrosent d'une sauce sucrée qui les rend fort appétissantes en leur donnant un aspect laqué et une couleur dorée. De temps en temps, un mendiant décharné, en loques vient mettre sa main crasseuse devant mon nez en espérant me soutirer quelques bahts pour s'acheter un mauvais alcool qui lui rendra la vie plus supportable, mais qui achèvera de le détruire. Sous ce marché couvert, on trouve de tout, de la petite vis cruciforme au coupe-coupe de jungle, en passant par les produits cosmétiques et les objets en plastique. Devant des montagnes de sacs de riz, une femme somnole dans une chaise longue. Ce qui m'attire le plus, ce sont les étalages de poissons. On peut y rencontrer le féroce barracuda, le sourire sournois du requin et toutes sortes de poissons dont certains n'attirent guère la sympathie. On trouve aussi une espèce de crevette géante au corps recouvert d'une carapace brune et ronde ressemblant à un casque militaire. Les calamars et les poissons séchés dégagent une forte odeur qui ne semble gêner personne. Dans le rayon boucherie, on a désossé des têtes de porc et exposé la peau aplatie comme des masques de théâtre.

 

tête de cochon, tête à cliques      mets ton petit gant blanc pour cliquer sur le poisson

 

Nous prenons un taxi « songtaew » jusqu'au ferry-boat. On appelle ainsi les taxis équipés de deux banquettes disposées sur le plateau arrière. ( song : deux ; taew : rang ) Il vaut mieux ne pas penser que, lors d'un choc frontal, on irait se fracasser contre la cabine du chauffeur ! Le ferry est un peu rustique, mais comme il ne fait jamais froid ici, peu importe si les passagers sont aux quatre vents. La traversée ne dure pas plus d'une demi-heure, alors je ne me donne pas la peine de monter avec les passagers au premier étage avec tous mes bagages, et je reste accoudé au bastingage à regarder l'île de Koh Chang s'approcher lentement. Dès que le ferry accoste, les voitures descendent, les passagers s'entassent dans des songtaew prenant tous la direction de la côte ouest, car c'est là que se trouvent les plages les plus accueillantes. Voici ce que j'écrivais en avril dernier à propos de Koh Chang, et je n'ai malheureusement pas changé d'avis :

En Avril dans le parc national de Koh Chang.

Il ne faut pas devenir un de ces vieux réactionnaires qui viennent gonfler le lot des touristes et qui souhaiteraient pourtant bien être les seuls ; mais cependant, je me trouve un peu trop nombreux dans « mon île » et je sens qu'on m'écrase les orteils. En ce moment, c'est la période du Nouvel An thaï ; et comme ici, la classe moyenne est de plus en plus importante et les riches ont de plus en plus de fric, beaucoup de gens se permettent d'aller à la plage. C'est écoeurant, parce que l'île, c'est presque moi qui l'ai découverte il y a douze ans, et maintenant ils y viennent tous avec leur glacière pleine de boîtes de bière, de Coca et de jus de fruits, ils jettent tout partout dans le sable et c'est si dégueulasse que j'ose à peine aller me promener.

En plus, je ne reconnais plus ces lieux idylliques où, le soir, seul le bruit des groupes électrogènes réussissait à couvrir le tumulte des grenouilles et des grillons. La « Fée électricité » a apporté le confort de la bière fraîche et la « musique » des bars qui commence à me fatiguer sérieusement. C'est curieux comme chaque fois que quelque chose semble s'améliorer, la médaille a des revers si moches qu'on sacrifierait presque ses nouveaux avantages pour retourner au passé ; alors, je me surprends à regretter « le bon vieux temps » où il fallait presque pousser le taxi collectif pour franchir la montagne séparant le port où arrivait le petit bateau, de la plage de sable blanc où les paillotes couvertes de palmes se blottissaient, presque invisibles à l'ombre des cocotiers. Depuis le mois d'août, deux nouveaux grands hôtels sont venus gâcher le paysage. Piscine, chambres air conditionné, boutiques, salons de massage et de coiffure, c'est tout à fait identique à un « centre de thalasso » de Nice ou de la côte Basque. Qui a raison ? Le Thaï qui vient ici pour se dépayser en vivant à l'européenne, l'Occidental qui veut bien s'éloigner de chez lui sans sacrifier son confort, ou moi qui souhaite profiter d'une mer bleue et de soirées romantiques à moindres frais ? En tout cas, l'environnement se dégrade et les « indigènes » commencent à en payer les pots cassés et comme personne ne ramasse les poubelles, les tessons des pots cassés traînent partout au bord des chemins, jusque sur les plages. Même les grenouilles ne chantent plus le soir, elles écoutent le « rap » et la musique « techno ». Les grillons ne disent plus rien pour ne pas déranger, et ils sont bien les seuls à se préoccuper du bien-être du voisin ! Les prix ? multipliés par sept en dix ans ! On peut donc voir les riches de Koh Chang devenir plus fortunés et une classe moyenne émerger des cocoteraies qu'elle ne tardera pas à décimer pour faire un peu de place pour construire de petits bungalows qui seront très vite sacrifiés, écrasés par un monstrueux complexe hôtelier imposé par un promoteur véreux ami avec le chef de la police locale. C'est la dure loi de la jungle, et elle n'est pas sur le point de disparaître, la jungle !… Quoi que ? L'île de Koh Chang est classée « Parc National », et ses forêts impénétrables abritent de petites perruches multicolores parfois victimes des rapaces dont l'ombre glisse doucement sur la canopée. Moi, de ces petites perruches, je n'en ai jamais vu, sauf en cage, au marché du samedi, ou sur la plage avec une petite ficelle dans le croupion. Des rapaces par contre, j'en vois souvent dans le ciel d'azur ou bien posés sur les chaises de tek massif du grand hôtel « Lagoon ».

Et tout ce monde, comment lui procurer les glaçons dont il a besoin ? En voilà une question qu'elle est bonne ! Hé bien il fallait y penser, alors certains ne trouvaient pas la solution et pendant des années, à Koh Chang, on a vu sortir du robinet une eau saumâtre aux relents infects dus aux infiltrations d'égouts… Non, un palace dont les toilettes reniflent, ça ne peut pas exister, alors les rapaces, on leur a donné un tuyau. Et qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils sont montés en haut de la montagne, avec le tuyau, bien sûr, et ils ont pris l'eau à la source, là où elle est si claire qu'on peut s'y baigner. Puis, s'en allant promener, ils sont redescendus vers la plage, avec le tuyau bien sûr ! ( bon il faut suivre sinon il faut revenir à la source ! ) Ils ont même mis devant le « Cookie's Resort » une claire fontaine ! Le problème, c'est que youpi ya, youpi ya plus d'eau dans le torrent qui descend de la montagne ! Et il y avait deux superbes cascades qui faisaient la fierté des habitants, même qu'il fallait payer pour aller les voir… Hé bien maintenant les cascades, elles existent toujours, il faut toujours payer pour aller les voir, le prix vient même d'augmenter, mais, elles ne font plus la fierté des habitants parce qu'elles sont à sec et que tous ceux qui redescendent de la visite se montrent agressifs, car ils ont l'impression de s'être fait balader. Alors, pour « noyer le poisson » ( je ne sais pas si je peux employer cette expression dans ce contexte ) le caissier prétend que c'est la faute de la saison sèche s'il n'y a plus d'eau… Hé pardi ! Mais ça coule de source ! ( je ne sais pas si je peux employer cette expression dans ce contexte )

Pour la circulation automobile, c'est un peu délicat, car les routes ne sont pas à la hauteur, et là aussi, il faudra trouver un tuyau, sans bouchon, bien entendu ! Pour l'instant, la solution bateau consiste à mettre toutes les voitures sur des ferries et à ne pas se préoccuper de savoir ce qu'elles deviennent une fois débarquées. Alors, la circulation, ça fait une belle cohue dans l'unique artère du village : on frôle l'infarctus.

Je pourrais continuer encore longtemps à me plaindre et au lieu de crier bien haut avec les rapaces « veni vidi vici » soupirer ces mots non moins célèbres : « alea jact est »

Tout cela me rend bien amer ! ( Amer de Chine, bien entendu ! )

Mais au fait, ici, j'ai mis dix ans à voir « le progrès » s'installer, mais chez nous, c'était comment le bord de la mer avant l'évolution ?

Koh Chang le 18 avril 2004.

Lundi 8 au Dimanche 14 novembre 2004.

Koh Chang.

clique dans l'eau  clique dans le haut  clique pour agrandir le cocotier

 

Je me prépare à rester ici une petite semaine, avant de partir à la « fête des éléphants de Surin ». Je m'installe du mieux que je peux dans mon bungalow sous les cocotiers en bord de plage, et la vie nonchalante commence, bercée par le rythme lent des vaguelettes venant lécher le sable blanc, à quelques mètres du petit balcon sur lequel j'ai installé ma musique et mon ordinateur.

Le matin, je me baigne dans une eau encore fraîche, avant que le soleil ne transforme la mer en « tom yam khung » ( bouillon de crevettes ). De petits poissons aux rayures jaunes et bleues viennent me mordiller les poils des pattes et c'est là le seul point désagréable ! La mer est calme comme un lac, et cette immobilité devient presque fatigante ! J'ai pied sur 90 mètres… je ne suis donc même pas forcé de nager ! Mon emploi du temps est bien simple : après ma baignade du matin, Amnoay prépare le café, puis elle va rejoindre ses copines qui massent les touristes thaïlandais ou étrangers sur la plage. Moi, je m'installe sur le balcon de mon bungalow et je regarde la mer changer de couleur au fur et à mesure que le soleil monte dans le ciel. Vers dix heures, je m'installe au restaurant, car c'est l'heure de ma soupe de nouilles ou de mon bouillon de légumes. Le reste de la journée, je ne fais rien du tout, car il fait trop chaud. Parfois je vais me baigner, mais l'eau est si chaude que même les poissons ont cuit ! Ils ont disparu ! 

une paire de cliques pour Amnoay  clique sur le chien  

 

Le moment privilégié, c'est le coucher de soleil ! Les touristes sortent leur caméra ou leur appareil photo, et ils ramèneront chez eux des clichés sans intérêt, en précisant : « Oh ! dans la réalité, le ciel est beaucoup plus beau que ça ! » Je le sais, j'ai toujours été déçu par les photos prises au coucher de soleil à Koh Chang. J'attends le moment où l'astre de corail plonge à l'horizon pour aller me baigner, et je peux dire que le soleil et moi, nous nous baignons de conserve. Chacun sait que les conserves de soleil, ça se paye à prix d'or !

Les restaurants ont installé chaises et tables sur la plage, si près du rivage qu'il n'est pas rare de terminer le repas les pieds dans l'eau. Je commande alors une dorade ou un poisson gris semblable au bar, on me le fait cuire en papillote avec des feuilles de choux, des rondelles de tomate, de la citronnelle, un peu d'ail, d'oignon et quelques herbes dont les Asiatiques ont le secret ! Avec la bière fraîche et la petite brise du soir, c'est le bonheur total ! Pourvu que ça dure ! 

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