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Notre doyenne du département vient d'avoir 108 ans.

Marie-Louise Clouté de Coslédaà, quartier Boast vient de fêter ses 108 ans, le dimanche 21 août 2016, chez elle en famille à « LaTerrade ». Toute la journée, dès le matin elle n'a cessé de répondre aux nombreux appels téléphoniques. Il y a quinze jours elle a fait un petit séjour à l'hôpital, suite à quelques petites hémorragies, mais sans gravité, et elle va bien. Sincères félicitations, et nous lui souhaitons de continuer ainsi à « LaTerrade », le plus longtemps possible.
E.Bihet

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à 107 ans,

Marie-Louise, "la Mamie de Boast"
devient la doyenne du département ! 

 

Avec sa canne, Marie-louise
remet la pendule à l'heure !

 

 

 

 


 

La nouvelle doyenne de notre département est Marie-louise, « la mamie de Boast » ! C’est une personne étonnante pour qui les gens qui ont quatre-vingt-dix ans sont des jeunes ! ( Ils pourraient être ses enfants ! ) Elle a eu 107 ans le 21 août dernier, et elle a gardé son sens de l’humour, une philosophie qui lui permet de prendre les pires malheurs ( et Dieu sait si elle en a eu dans sa vie ), avec résignation. Elle n’est pas concernée par la sénilité : elle a la chance de garder intacte une mémoire qui lui permet de nous faire revivre ses moments de joie et de peines passés. Elle se souvient, le jour de la déclaration de guerre de 1914, des cloches qui sonnaient dans son petit village de Peyrelongue-Abos, de l’inquiétude des villageois et de la détresse de son père qui reviendra les poumons brûlés par les gaz de combat, et de son oncle qui ne reviendra pas ! Son père ne survivra pas longtemps à ses blessures, sa mère le suivra quelque temps plus tard, en lui laissant la responsabilité de s’occuper de ses trois frères. Elle a eu la chance de pouvoir se marier avec la personne que son cœur avait choisie : un artisan maçon de Boast. Il conduisait une automobile, une Renault ; cela permettait en quelque sorte de s’évader, d’oublier la voiture tirée par un cheval souvent récalcitrant. En 1933, ils se marient et elle quitte Abos pour s’installer dans une grande bâtisse : « la maison Terrade ». Ce moment de sa vie comptera parmi les souvenirs les plus heureux ! Un vrai bonheur d’être accueillie parmi les cinq frères et les trois sœurs d’une nouvelle famille. En 1936, elle donna naissance à son premier enfant, une fille ! Parmi la naissance de ses huit enfants, elle a eu la surprise ( l’échographie n’existait pas ) de donner naissance à deux jumeaux. « On allait chercher la sage-femme dans le village voisin, et on n’y allait qu’au dernier moment, il n’y avait pas tous les soins médicaux qu’on a la chance de connaître de nos jours ! » Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle eut la peur de sa vie le jour où des soldats allemands investirent la maison à la recherche de résistants, visitèrent les pièces à l’étage, la grange, et repartirent en la saluant presque courtoisement.
Pour elle, les plus importants changements apportés par le progrès, c’est l’eau courante et l’électricité. L’hiver quand elle faisait sa lessive avec de la cendre, dans une eau glaciale, et qu’il fallait rincer le linge au
Laas, le petit ruisseau en contrebas où l’on descendait avec le tombereau tiré par les bœufs, c’était une souffrance proche de la torture, les mains gelées, les bras et le dos rompus… Mais c’était son travail, elle le faisait sans rechigner, comme toutes les ménagères de l’époque. « Ce n’était pas plus dur pour moi que pour les autres, c’était notre vie, on n’avait pas connu autre chose » dit-elle avec un sourire qui illumine ses yeux gris, ce regard qui a gardé toute sa jeunesse. Alors, son mari lui avait installé un lavoir dans la cour ; c’était presque le confort !
Il y a de cela quatre-vingts ans, elle devint la sonneuse de cloches du village, allant tous les midis à l’église distante de trois cents mètres pour sonner en récitant le rosaire. Cela lui faisait tirer environ cinquante fois sur la corde. Sans s’en douter, elle devenait la voix, l’âme de notre village. Quand elle raconte de vieux souvenirs, elle ajoute souvent : « Mon Dieu, il me semble que c’était hier ! Que la vie passe vite ! Nous sommes vraiment peu de
choses ! » Et parmi ces souvenirs, elle aime bien raconter ses débuts à bicyclette. Elle se voit encore prendre de la vitesse dans le chemin de l’église, impossible de freiner son élan, pour arrêter sa course folle, elle avait le choix entre le mur et le talus : elle avait choisi le mur. Ce n’était pas un bon choix, elle revint à la maison le nez en sang, se promettant de ne plus jamais remonter sur une de ces indomptables machines.
En 1989, son mari la précède, « là-haut ». Il est parti pendant la nuit, subitement, sans avertir, comme pour ne déranger personne… L’hiver dernier, à 106 ans, elle s’est fracturé le fémur. Durant son séjour à l’hôpital, elle a décidé de se remettre debout, de revenir à la maison, de continuer à vivre sans se soumettre au destin… Aujourd’hui, elle se déplace tantôt avec son déambulateur, tantôt avec deux cannes, mais elle retrouve son autonomie. Dans sa vie, elle a toujours lutté, alors une fois de plus elle veut gagner ! Mais quel est son secret pour mener une si longue existence ? Elle ne sait pas, peut-être que c’est la soupe qu’elle mange de
bon appétit tous les soirs ? Si nous lui disons que c’est une chance de vivre aussi longtemps, elle met un bémol à notre enthousiasme. Bien sûr, dans la vie il y a des événements merveilleux, des joies, de grands bonheurs, mais « mon Dieu, que de tristesses ! » Marie Louise a vu partir les uns après les autres tous ses êtres chers, tous ses parents, ses amis, ses voisins, tous les gens de son âge ! » C’est une rescapée ! Ces deux dernières années, elle a perdu deux de ses fils. Sa détresse est immense, sa douleur irréparable, mais elle surmonte son chagrin, fait en sorte de ne pas imposer son épreuve à son entourage, mais c’est certainement le plus difficile de tous les combats qu’elle a menés jusqu’à ce jour. Il lui reste six enfants, vingt petits enfants et seize arrière-petits-enfants. Elle peut citer leurs noms et donner leur date de naissance en ne se trompant que très rarement.
Quand elle parle de la mort, Marie-Louise n’est pas triste, elle n’a pas peur, elle sait que « tout le monde y a droit », mais elle voudrait partir comme Pierre, son mari, tout doucement, une nuit, s’endormir et dormir trop longtemps. En attendant, elle lit le journal, souvent sans les lunettes, sous la pendule plus ancienne qu’elle qui ronronne à son oreille, comme une vieille complice. Le balancier de cuivre, c’est le cœur de la maison, c’est son cœur qui bat calmement ; et quand
la pendule retarde un peu, elle saisit sa canne, et sans se lever de sa chaise, elle remet à sa place la grande aiguille qui aurait tendance à traîner, de temps en temps ! Parfois, elle dit qu’elle n’est plus bonne à rien qu’elle pourrait partir, car elle est prête. De toute sa vie, elle n’a rien à se reprocher : sa conscience la laisse en paix ! « Moi, je vous ai montré le chemin, vous n’avez qu’à le suivre ! » Et elle ajoute avec malice : « C’est plus facile pour vous, car maintenant, les chemins sont en meilleur état ! »

Si l’on vous dit un jour : « Tu ne vas pas rester là 107 ans ? » répondez tout simplement : « Et pourquoi pas ? »

 Alain M.


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